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Il était culte et il ne le savait pas


STREET ART - Un come back, un vrai. Jef Aérosol, c'était une signature qu'on croisait sur les murs dans les années 80-90, jamais loin des salles de concert. Des pochoirs élégants de héros rock, toujours siglés d'une flèche rouge, grâce à laquelle on le pistait de ville en ville. Puis, pouf, les pochoirs sur rue sont passés de mode. Jef Aérosol lui-même, professeur d'anglais dans le Nord, musicien amoureux de folk irlandais, avait plus ou moins passé la main. Jusqu'à découvrir, avec stupeur, qu'il était considéré comme un historique du street art. Culte, quoi.

BLEUSAILLE- "En 1982, je suis arrivé à Tours. Je vivais avant à Nantes, où je bidouillais des affiches avec des photomatons pour des groupes de rock, Private Jokes par exemple. J'avais passé mon Capes comme ça, sans jamais avoir eu envie d'être enseignant, et me voilà prof dans une ville où je ne connaissais personne. J'ai eu l'idée de faire un pochoir, pour rencontrer des gens. J'ai pris mon portrait en photomaton, tu sais, celui où je crie [qu'il utilise toujours, un des refrains graphiques préférés du monsieur, ndlr], je l'ai agrandi et je l'ai découpé dans une boîte à chaussures... Je l'ai mis dans les rues de Tours, j'ai signé Jef. Ca a marché à fond. Il y a eu des articles dans la presse locale, mais qui est Jef ? Dans les bistrots rock où je traînais, cela s'est vite su, et j'ai vite connu tout le monde. J'ai fait ma première expo en 83, à Tours, chez Rank Xerox, parce que je faisais beaucoup de photocopies... A l'époque, je n'imaginais même pas vendre mes trucs. Quand j'en tirais 100 balles, j'achetais trois bombes. Puis, les articles ont commencé à fleurir, Actuel, l'Echo des Savanes. D'autres travaillaient comme moi à Paris, Speedy Graphito, Blek le Rat, Miss.Tic... Le premier rassemblement a eu lieu en 1985 au canal de l'Ourcq, avec peintures de rue et fresques sauvages. C'était parti."

CLASH - "Le pochoir, c'était la chemise des Clash, mais aussi le petit soleil des anti-nucléaire, c'est une technique vieille comme le monde. Mais utiliser la rue comme espace graphique... le premier pochoiriste, c'est Ernest Pignon-Ernest [un plasticien contemporain français, ndlr] : en 1966, sur le plateau d'Albion, à une manif contre le nucléaire, il a imaginé des silhouettes de personnes irradiées par la bombe."

ADRENALINE - "Le pochoir, y a l'adrénaline... Cela s'inscrit aussi dans le côté urbain et nocturne, quelque chose de rock'n roll. C'était l'époque. J'avais un côté élitiste, j'inscrivais des titres de morceaux, d'album, je faisais un clin d'oeil à tous ceux qui écoutaient la même chose que moi. Je fais beaucoup d'icônes du rock'n roll. J'ai élargi les murs de ma chambre où je punaisais toutes mes idoles, Bob Dylan dans tous les coins."

BOMBE- "Et la bombe aérosol, c'est génial, on peint sans toucher le support, c'est très clean, très rapide. C'était un de mes premiers slogans, vite fait, bien fait. Je reste très adolescent par rapport à cela, très anti-académique. Les détracteurs disent qu'il n'y a pas besoin de savoir peindre, mais je revendique ce côté un peu facile. Depuis 27 ans, je reste émerveillé à retirer le pochoir et à voir que ça marche !"

VETERAN - "En 2004, on me passe un coup de fil, pour me demander de participer à un festival de pochoirs. Je dis, ça existe encore, les pochoirs ? Et je découvre qu'il y a une espèce de folie mondiale, grâce à , un artiste anglais qui marche très fort, et qui a reconnu avoir emprunté à ce mouvement, né en France dans les années 80, le pochoir développé en art de rue.  Je me retrouve à ce festival avec tous les vétérans, un peu anciens combattants, avec la Miss., Blek, Speedy Graphito, Jérôme Ménager... Et il y avait des jeunes qui me disaient, vous êtes Jef Aérosol, le vrai ? Heu oui... Ca a un peu flatté mon ego, et ça m'a redonné le goût de découper du carton et de bomber à travers."

Aujourd'hui, Jef Aérosol est exposé dans le monde entier, et à la maison folie de Wazemmes à Lille aussi, jusqu'au 1er mars. Ses toiles se vendent jusqu'à 8 000 euros pièce, et il va bientôt laisser tomber définitivement son métier de professeur. Mais pas la rue : une oeuvre à voir sur les murs, c'est à Wazemmes encore, pas loin du terrain de basket en plein air, derrière la place Casquette.

Recueilli par Stéphanie Maurice

Pour plus d'infos :  

Photo : Le petit garçon, autre icône de Jef Aerosol.