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Viré... ou reclassé au Brésil pour 300 euros par mois


ÉCO-TERRE - Alain Leclercq, 38 ans, est un des sept salariés de la teinturerie Staf à Hénin-Beaumont à qui on a proposé d'être reclassé au Brésil ou en Turquie, aux salaires locaux de 315 et 230 euros. C'est ça ou la porte. «Hors de question» répond le salarié porte parole de ses six collègues. Interview.

Quel est votre travail chez Staf?
Je suis cariste, je charge et je décharge les camions, entre 15 et 20 tonnes par jour. Je suis polyvalent, sur les machines une fois par semaine, je charge les bobines blanches avant la teinture. Je travaille ici depuis sept ans. J'ai d'abord été intérimaire deux ans, embauché en mars 2003. Je gagne 1300 euros bruts, soit entre 1020 et 1030 euros nets.

Staf vous reclasse au Brésil ou en Turquie, le même travail pour trois à cinq fois moins.
Il est hors de question qu'on y aille, je le dis pour moi et pour les six collègues concernés. Et la boîte, elle le sait. C'est comme si on nous proposait d'aller vivre dans le désert. Si j'étais célibataire, j'irais peut-être, pour voir la vie. Mais j'ai trois enfants, âgés de 14, 13 et 9 ans. Ils m'ont dit «Comment on va faire, Papa? On va quitter la maison, l'école, les copains?» Ils sont traumatisés. Je me faisais du souci pour leur avenir, maintenant, je me fais aussi du souci pour le mien. J'ai l'impression d'avoir un pied dedans, un pied à côté.

Ce que  vous propose l'employeur, ce n'est pas illégal.
Ils suivent la loi, je ne veux pas me mettre en porte à faux. La loi c'est la loi. Mais c'est dommage.

Comment ça se passe dans l'usine?
On est 34 salariés. Jusqu'ici, il y avait une bonne ambiance. Maintenant, on évite de parler, de discuter des licenciements. Il n'y a pas de grève, l'usine tourne, les gens sont payés. On ne sait pas ce qu'on va toucher comme prime de licenciement. S'ils ne font pas une vraie proposition de reclassement, on réclame notre solde de tout compte pour le 25 avril. On veut pas de chichis ni de blabla.

Et vous, vous allez faire comment, maintenant?
Mon épouse ne travaille pas. On réfléchit à tout ce qu'on devra enlever, pour faire des économies. L'internet, le téléphone de la maison ou le portable. Les enfants adorent aller à la piscine tous les week-ends, ce sera un week-end sur deux. Le cinéma avec les copains-copines, Auchan, c'est fini. On avait prévu un voyage à Marseille cet été, on l'a annulé.

Recueilli par Haydée Sabéran

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