MIGRANTS Actualisé le 24/11 - Où sont-ils passés? Les quelque 150 jeunes migrants du lac de Téteghem, près de Dunkerque, sont partis, dimanche. «On joue sur la peur», dit Matthieu Quinette, coordinateur du programme migrants littoral à Médecins du Monde. «En gros, la police leur a dit : "si vous ne partez pas, on embarque tout le monde, et on détruit le camp"». Partis par peur de la police? Franck Dhersin, maire UMP de Téteghem admet que Matthieu Quinette .
Camping. Ils disent s'appeler Ali, Abdollah, Taïeb. Ils arrivent du Kurdistan, d'Afghanistan. Ils ont un fin duvet au dessus des lèvres, parfois de l'acné juvénile. Ils ont l'âge de tchatter sur MSN, mais ils dorment dans la forêt et se glissent sous des camions la nuit. Ils vivotaient autour du lac de Téteghem. Un campement de jeunes et de familles qui ressemble à un camping au bord de l'eau l'été, et à un sinistre bidonville l'hiver.
Ils sont devenus trop nombreux, a estimé le maire de la ville. Franck Dhersin a «appelé au secours», la semaine dernière. Le nombre de migrants avait quintuplé, en quelques mois, passé de 40 à 200. «Aucune réponse des communes alentour, ni de la communauté urbaine. J'étais seul». Il regrette la réponse «coercitive» de la préfecture, et aurait préféré que ses voisins se «partagent la misère». Mais voilà, le préfet a agi, et le nombre de migrants a baissé sur sa commune, les gens éparpillés. «Je ne peux pas dire que je me sente bien. Ce sont des hommes, des femmes, des enfants, je les ai vus. Je ne peux pas ne pas me demander où ils vont dormir».
Passeurs. Comment en est-on arrivé là? «Depuis deux ans et demi, on arrivait à gérer avec les associations», dit le maire. Les assos nourrissaient, Médecins du monde avait fourni les toilettes sèches, les kits de survie, et surtout, soignait, la mairie donnait une citerne d'eau potable, et offrait les douches dans le gymnase du club de foot, deux fois par semaine. Et puis le nombre a enflé. Le maire pense que c'est le confort relatif du camp qui a attiré du monde. Peut-être aussi les difficultés à passer? L'aire d'autoroute voisine est souvent fermée depuis deux mois, disent les migrants. Ils tentent de passer en Grande-Bretagne dans, ou sous, les camions, le plus souvent sous la coupe de passeurs, qui tiennent les aires d'autoroute qui mènent vers l'Angleterre.
Que sont-ils devenus? Calais, Paris, la Belgique? On sait que Shahesta, la petite Afghane de 9 mois, et sa famille (photo) dorment au chaud. Ils ont été pris en charge par Emmaüs Dunkerque. Médecins du Monde ne sait pas ce que sont devenus le petit Dania, garçon kurde de 9 mois, et ses parents. Les autres ados ou jeunes de moins de 25 ans, se sont évanouis dans la nature, ou ont été arrêtés.
Survie. Samedi, les migrants craignaient la descente de police. Les humanitaires aussi. Ils avaient distribué des kits de survie aux migrants -sacs de couchage, savons, brosses à dents, capes de pluie, bidons à eau (voir photo)- et averti : «détruire ce campement au début de l'hiver, c'est de la mise en danger de la vie d'autrui. Il y a des malades, diabétique, épileptique, entre autres. A chaque fois qu'on vient, on a une queue de 60 personnes devant le camion médical».
La police est passée tous les matins, et elle a parlementé, à sa manière. Les migrants eux-mêmes ont détruit leur camp avant de partir. «De colère», pense Matthieu Quinette. Franck Dhersin reconnaît : «Partout où ils vont, ils sont victimes. Chez eux, puis sur les 5000 km de route, puis devant le Channel, victimes des passeurs. Et on sait que ça ne sera pas facile pour eux là-bas, en Angleterre». Au bout du voyage, les charters remplis d'Afghans partent plusieurs fois par mois de Grande-Bretagne. Selon Médecins du Monde, presque tous les parkings de l'A16 sont bouclés aujourd'hui.
Haydée Sabéran
Photo Olivier Touron : Samedi dans le camp, la petite Shahesta entourée de ses jeunes oncles. Ils ont été logés à Emmaüs Dunkerque.
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(août 2010)