Comparateur de rachat de crédit

A Bruay, vos vieux habits font les emplois verts


TERRE - Dans le brouhaha d’un hangar, des hommes et des femmes de tous âges tirent des chariots de vêtements, actionnent des presses à habits, trient le textile sur tapis roulant. Au Relais, la chose qui frappe, ce n’est pas la montagne de vêtements de toutes les couleurs, ce sont les gens. Quand vous donnez vos habits au Relais, vous créez des emplois verts. Nombreux : ils sont plus de 400, sur l’ancien site des mines de charbon de Bruay-la-Buissière, près de Béthune, 1200 dans toute la France.

Perruques. «Un emploi durable par semaine depuis 1984 en France», annonce le Relais. Et le plus souvent ici, sur cette terre à 12 % de chômage. Le travail, dans cette Scop (société coopérative de production) née de l’association Emmaüs, c’est trier 50 tonnes par jour de vieux habits (et aussi des chaussures, jouets, bijoux et accessoires), pour en faire des fripes, en Europe et en Afrique, des chiffons pour l’industrie, ou un isolant thermique et acoustique en fibres recyclées, gris bleu à cause des jeans. A l’entrée du hangar, les «craqueurs» craquent les sacs plastique remplis d’habits à l’arrivée des camions, jettent tout ce qui est mouillé, moisi, abîmé, taché, irrécupérable. Qualité, matière, type de vêtement : à l’arrivée, 300 catégories triées, chacune son code. Pas trop de pulls pour l’Afrique, plutôt des minijupes pour la Pologne, des cols pelle à tarte et un look seventies pour les boutiques vintage parisiennes et même fourrures et perruques pour la boutique de Dunkerque, pendant le carnaval.

Certains fripiers viennent eux-mêmes trier ce qui est vendu «4 euros le kilo, hors taxe», raconte Jocelyne. Elle travaille au Relais depuis vingt ans. Avant, Jocelyne était un peu caissière, un peu fille de salle à l’hôpital, parfois garde-malade, «beaucoup d’heures pour pas grand-chose». Et surtout, jamais assez d’heures pour faire un Smic. A présent, c’est «8 heures-midi, 13 heures-16 h 30, et les week-ends tranquilles. Ces horaires-là, je les trouve pas ailleurs». Le boulot ? «Physique, mais à côté de ça, superambiance. On rigole, on déconne tout le temps.» Un grand réjoui à bouclettes sourit : «Alors, elle est pas belle notre usine ?» C’est «Chouchou», «comme dans le film», 23 ans. «Avant, je ne savais pas lire et écrire, j’ai appris ici. Attention, faut savoir lire les codes, y’a tout une gestion derrière.» Il paraît que chaque Français jette en moyenne 12 kilos de vêtements et chaussures par an, et les trois quarts passent à la poubelle. Le quart qui reste est collecté. Dans ce quart, plus de 60 % des habits du Relais étaient revendus, en fripes, jusqu’à la fin des quotas textiles en Europe en 2005, et l’arrivée du textile chinois de masse.

La qualité a baissé, et la proportion d’habits vendables est passée de 60 % à 40%. Les plus beaux vêtements sont vendus sur eBay, les plus beaux jouets aussi, sous le pseudonyme Tresorsdurelais. Le reste part dans les boutiques Ding Fring, et en Afrique. Environ 15 % sont jetés et incinérés, 20 % transformés en chiffons d’essuyage industriel, et 20 % sont effilochés pour la matelasserie et l’isolation.

En cherchant des débouchés, le Relais a découvert le Métisse, un isolant thermique fabriqué à Angers, chez un sous-traitant.

Ballot. Ici, après deux ans de contrat d’insertion, on est embauché, en CDI. Au bout de cinq ans, on fait partie de la Scop. La boîte compte 1200 salariés en France, dont deux tiers de CDI, 300 en Afrique, au Sénégal, au Burkina Faso, et à Madagascar. Presque tous les salariés gagnent le Smic. Le patron, Pierre Duponchel, est à 3000 euros, et les cadres autour de 1500 euros. Quelque 400 à 500 euros de participation distribués en 2009 à chacun. Dans le hangar, Daniel, 56 ans, regarde sa presse serrer le camaïeu de bleus des jeans pour former un ballot. Il travaille avec lenteur. «Je suis casé maintenant, bientôt la retraite.» Il était routier avant. «Pas bon pour la vie de famille.» Et ses enfants ? «Eux ? Des stages, des stages, des stages.»

Haydée Sabéran

Lire le dossier de Libération sur la semaine du développement durable :