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«Le patient déprimé, il réussira son suicide»


SANTÉ - Les soignants en psychiatrie se mobilisent aujourd'hui contre une loi sur les malades mentaux qu'ils jugent dangereuse, car plus proche du sécuritaire que du soin. Pierre Paresys, psychiatre à Bailleul, et membre de l'Union syndicale des psychiatres, .

Cet après-midi vous vous enfermez avec d'autres dans un grillage, devant la préfecture. Pour dire quoi ?
Pour symboliser l'évolution sécuritaire de la psychiatrie. Parce qu'il est plus facile de se procurer des grillages, des caméras, des ordinateurs pour surveiller que des soignants pour être disponibles et accueillants.

En quoi la psychiatrie est-elle menacée d' «évolution sécuritaire» ?
Un projet de loi vise à rendre les centres médico-psychologiques inhospitaliers. Avec cette loi, les gens qui viennent chez nous ne seront plus sûrs de sortir, ou pas sûrs d'en sortir sans un traitement imposé. Ils viennent parce que c'est un lieu d'accueil, un lieu paisible. S'ils n'ont plus confiance, ils ne viendront plus. C'est un retour en arrière.

Beaucoup de gens pensent que la psychiatrie est déjà un lieu de contrainte...
Quelquefois, la contrainte s'impose à nous, mais ça doit être l'exception. Si on est dans la contrainte, il n'y a pas de soin. Il faut une alliance, une confiance. On doit savoir qu'on peut revenir voir l'équipe, et qu'on ne sera pas expédié, gavé de médicaments.

Qu'est-ce qui change, avec cette loi ?
On va pouvoir nous mettre la pression. Il y aura cette possibilité d'imposer, d'exercer une violence institutionnelle sur le patient. Pour l'instant, la contrainte varie selon les pratiques, de 1 à 10, d'une région à l'autre. On reconnaît qu'il y a un abus de procédures d'urgence, et on règle le problème en les rendant légales. Pour qu'il n'y ait plus d'abus, il faut que ce soit permis ! Si la vox populi, les élus, le demandent, le directeur va avoir la trouille, et nous l'imposer. S'ils savent qu'on a ce pouvoir, ils voudront qu'on l'utilise.

Et vous, vous ne pouvez pas résister à ça ?
On nous a fragilisé statutairement. On n'est plus nommé par le ministère, mais par le directeur. Donc cette capacité à résister va dépendre des individus.

Qu'est-ce qui risque d'arriver ?
Le patient déprimé il ne viendra plus, et il réussira son suicide.

Avez vous les moyens de bien travailler ?
Les moyens, ils baissent. C'est le résultat de la loi Hopital patients santé territoire de Madame Bachelot. On a une enveloppe fermée. On nous impose de manière aveugle de réduire les coûts. En gros, il faut réduire, parce qu'il faut. Sur les 15 dernières années, le nombre de postes chez nous a baissé de 10%. A quoi il faut ajouter 10% de baisse du temps de travail avec les 35 heures. Pour le patient, ça veut dire moins de temps avec nous, avec les infirmiers. Moins de temps pour écouter, pour être disponible. Si les gens ont besoin d'être écoutés et qu'il n'y a personne, ça augmente l'angoisse, les tensions. Donc les violences. On fait peur aux gens avec la folie et les fous pour camoufler une autre violence, celle qu'on exerce envers la population en cassant les services publics.

Recueilli par Haydée Sabéran

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