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«La prison ne doit pas être en dehors de la société»



LIVRE -
«La peur des gens en prison se nourrit des extrêmes dont on parle à la télévision, des récidives qui font peur. Mais cela, c'est l'extraordinaire». Danièle Mercier, enseignante à la retraite, est bénévole en prison depuis dix ans : elle a voulu témoigner de l'ordinaire des centres de détention, à travers un livre On tourne en rond. Ce soir, c'est sa sortie officielle, au théâtre du Square à Loos, avec une soirée-débat sur l'univers carcéral.

Pourquoi avoir voulu écrire ce livre ?
Le but, c'est d'amener les gens à réfléchir, qu'ils changent de regard : la prison ne doit pas être en dehors de la société. Après dix ans d'interventions dans l'univers carcéral, je me suis dit qu'il fallait arriver à faire passer l'idée qu'il y avait beaucoup de clichés, d'erreurs quand la vox populi parle de l'ordinaire de la prison. C'est le quotidien que, moi, j'ai partagé, et j'avais envie d'en parler. L'ordinaire d'hommes et de femmes enfermés, qui traversent une peine qui doit aboutir à une rédemption. Rédemption, je n'aime pas trop ce mot. Disons à un futur, et en tout cas un jour à la sortie. La prison, globalement, ne réussit pas sa mission, la réinsertion.

Quels sont les clichés, les erreurs que vous entendez sur la prison ?
L'idée du Club Med', par exemple. Ils font du sport, ils regardent la télé, finalement ils ne sont pas si mal que cela. Il faut rappeler que la prison, c'est une souffrance, un traumatisme. Même si on a la télé. La souffrance, c'est la privation de liberté. C'est d'être privé de sa famille, de ses enfants.
On entend également, ils n'avaient qu'à pas y aller. Je reprendrai le titre d'un livre de Nathalie Guibert et de Philippe Zoummeroff, «La prison, ça n'arrive pas qu'aux autres». Les homicides involontaires, par exemple, peuvent vous mener en prison. On est dans une société de plus en plus procédurielle. Quand je parle de clichés, c'est aussi ce que disent les enfants : on te met en prison parce que tu es méchant. La peur des méchants, des voyous, se nourrit des extrêmes dont on parle à la télévision, des récidives qui font peur. Mais cela, c'est de l'extraordinaire.

A quoi ressemblent alors les gens en prison ?
La prison est le cache-misère d'un certain nombre d'échecs : de la famille, de l'école, de l'intégration. Elle montre aussi l'incapacité du système psychiatrique à soigner des malades mentaux. On enferme plus souvent les pauvres que les riches, il suffit de regarder les statistiques de la population carcérale. Je reprendrai la phrase de Victor Hugo, «Ouvrez une école, vous fermerez une prison». J'y pense souvent, car on est en plein dans le contraire [Le rectorat de Lille prévoit 806 suppressions de postes pour 2011, et une nouvelle prison, à Annoeulin, va ouvrir dans la métropole, Ndlr].

Qu'avez-vous appris en prison ?
C'est la complexité de l'être humain. C'est très difficile de déterminer la part d'inhumanité et d'humanité en chacun. Dans mon groupe de parole, je me suis toujours adressée à la part d'enfance qui est au choeur de chacun de nous. Je suis allée chercher cette petite part de lumière qui restait même quand des actes délictueux ont été commis. Je ne fais pas d'angélisme, je ne nie pas que certains sont dangereux. Je pars du principe qu'ils ont eu une enfance : c'est pour cela que dans mon livre j'ai inclus des dessins d'enfant, c'est une manière de le rappeler.

Que voudriez-vous faire des fonds récoltés avec la vente de ce livre ?
Ce dont manquent les détenus, ce sont des informations sur les métiers et les formations possibles. Je voudrais bien créer un centre de ressources, une banque de données sur un intranet, disponible dans la prison.  Je vieillis, et avant de partir cultiver mon jardin, je voudrais faire quelque chose de concret pour eux.

Recueilli par Stéphanie Maurice

Photo Reuters : La prison de Lyon-Corbas

On tourne en rond, de Danièle Mercier - 18 euros, sur à partir de demain.

Soirée-débat ce soir à 19h30, au théâtre du Square, square Eugène-Thomas, à Loos. Première table ronde : De Loos à Annoeullin : Nouvelle architecture carcérale / Deshumanisation - Deuxième table ronde : Peut-on être détenu et citoyen ? - Dernière table ronde. Réinsertion : un mythe ?