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«Des jeunes collègues entrent en classe la peur au ventre»


ÉDUCATION - Profs en moins, élèves en plus, enseignants débutants pas assez formés. Dans l'éducation, 2010 s'est mal terminée, et 2011 est mal partie, prédit Bernard Steelandt, du Sgen CFDT .

Quel bilan pour l'école, en 2010?
On a supprimé 470 postes, malgré 518 élèves en plus. Au lycée professionnel, la plupart des élèves n'étudient qu'une langue au lieu de deux, faute de profs. On a eu aussi des problèmes de livres en seconde. La réforme du lycée a été mise en place tellement vite, les décrets d'application sont sortis tellement tard que les éditeurs n'ont pas eu le temps de les sortir pour la rentrée. Les jeunes profs qui arrivaient, eux, ont démarré sans véritable formation à la pédagogie, par un stage de deux-trois jours, avant la rentrée, ni rémunéré, ni couvert par une assurance. Du grand n'importe quoi. On leur a donné des indications générales. Puis un stage d'une semaine avant les vacances de la Toussaint, avec visio-conférence, qui ne leur a été d'aucun secours. Rien sur «comment je prépare mon cours», «comment j'introduis cette notion». Or, c'est ça qui leur manque. On voit des jeunes collègues entrer en classe la peur au ventre.

Ils sont sensés se former en salle des profs?
Ils sont sensés être coachés, par un collègue. Mais l'administration a eu du mal à trouver des coaches. Certains sont en poste à 50 kilomètres du stagiaire. En tout, les jeunes profs ont deux mois de formation à la pédagogie. Avant, c'était un an, et nous, on estime qu'il en faut deux.

Comment se dessine la rentrée 2011?
On taille dans le vif. On nous annonce 336 postes en moins dans le primaire, et 470 dans le secondaire. Toujours moins de postes, toujours moins de remplaçants, et plus d'élèves dans les classes. On demande à certains de donner des cours dans une autre matière que la leur. Les seuils maximaux en collège ont été relevés à 30 élèves par classe. On sait pourtant qu'à partir du 26ème élève, l'ambiance de la classe change, il y a un pallier. Il y a un projet de supprimer les petits collèges, fermer, ou fusionner les établissements, faire deux collèges en un, parfois dans des villes différentes. Il y aurait une quinzaine d'établissements sur la sellette. On supprime des filières dans certains lycées professionnels. Du coup, certains élèves sont coupés de certaines formations, et risquent de décrocher. On a l'impression que la rectrice est là pour supprimer des postes et des établissements. Pour justifier ces suppressions, comme on ne peut plus dire que le nombre d'élève baisse, on avance un nouvel argument : on nous explique qu'on était favorisés, qu'il faut rattraper les moyens nationaux. La région est défavorisée culturellement et économiquement, on est en retard dans tous les domaines. Il faut voir l'aplomb avec lequel le préfet et la rectrice disent ensemble que tout va bien. En gros, on nous dit qu'on nous supprime des postes pour que tout aille mieux, pour qu'on soit plus efficace (1).

Pourtant la France est de moins en moins bien placée dans le classement Pisa des acquis des élèves par pays de l'OCDE.
Oui. On parle toujours des pays nordiques, c'est la référence. Mais on oublie de dire qu'ils mettent le paquet, en nombre de postes et en formation. Aujourd'hui en France, quand un enseignant demande à se former, une fois sur trois, c'est refusé.

Que dites vous aux parents?
Qu'on a besoin d'eux pour faire pression. Quand les parents se bougent, il y a des effets.

Recueilli par Haydée Sabéran

(1) «Les moyens dans l'académie n'ont pas bougé. On essaie d'avoir plus de moyens au profit d'un bon fonctionnement, ce qui implique de réduire la masse salariale», a déclaré la rectrice Marie-Jeanne Philippe, citée par la