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A Dunkerque, en prison, ingénieurs du son


MUSIQUE - C'est parti pour six ateliers de deux heures, dans une petite salle sans fenêtres de la maison d'arrêt de Dunkerque. Thierry, technicien son, est là pour apprendre à neuf détenus comment on sonorise un concert. Au bout, le 26 août, Boogie Balagan jouera en vrai, avec les détenus aux manettes. Ambiance.

«Babasse». Ça commence bien : «aujourd'hui, ça sera la seule journée vraiment chiante», avertit Thierry, «je vais vous expliquer tout le vocabulaire». Ça n'a pas l'air de leur faire peur. En face, ils sont assis, attentifs. «C'est vous qui allez accueillir le groupe et son technicien. Je m'appelle Thierry, dans le métier on m'appelle Babasse».

Cheveux longs, poivre et sel, le technicien raconte, formation sur le tas, dans les bars, «la meilleure école», puis école du son à Paris. Une voix (1) : «vous êtes sponsorisé?» Thierry : «c'est à dire?» «Ben, on vous paie?». Oui (2). «C'est bien payé?». Thierry : «Correctement. Mieux que comptable, mon métier d'avant, mais parfois plus fatigant». Un gars rigole : «et la retraite?». Thierry se marre. Un autre : «vous êtes assez demandé?». Il travaille à la Fnac de Lille, en studio, parfois sur des gros concerts. «Il y a trois semaines, j'étais au Main Square, Rammstein, c'est sept semi-remorques de matériel».

Chou fleur. Il explique qu'il faut «le son pour les musiciens, le son pour le public». Une batterie, «c'est entre huit et dix micros». Schémas : comment le son se réverbère dans une salle? Le son qui entre dans la machine, le son qui sort, comment on contrôle avec la console de mixage? Comment éviter les larsen? Il tourne un bouton : «ça, c'est un potentiomètre». Retour à la console. «Je vais pas tout vous dire aujourd'hui, sinon, vous aurez la tête comme un chou fleur.»

Qu'est ce qu'il faut pour faire un concert? Une voix : «une table de mixage». Une autre : «du courage». Certains, techniques : «C'est du jack?», «Y'a des codes couleur?» «On branche où?» Et puis : «Vous connaissez les Revlovers Mahoué (des Dunkerquois, qui font l'éloge de la frite, ndlr)?»

Le technicien son sort un bidule : «bon, ça c'est le RCA, que tout le monde connaît...» Quelqu'un rigole : «Je connais le RSA, pas le RCA». Un surveillant passe la tête par la porte et s'adresse à un détenu : «tu vas à la messe vendredi?».

Bidouilles. Thierry ouvre une petite boite en plastique : «ma boîte à bidouilles, avec ça, je suis sensé faire n'importe quoi». Il raconte : «l'année dernière, avec vos petits camarades, on fait le montage du son. Je descends déjeuner, je reviens, quelqu'un me dit : "Thierry c'est bizarre, y'a un drôle de bruit. Y'a un ampli qui a fait "pfuuuit", et plein de fumée". Les deux amplis avaient cramé. On avait un concert à assurer derrière. Il fallait trouver une solution en dix minutes». D'où la boîte à bidouilles. «Cette fois, on prendra encore plus de précautions».

Le 26 mai, ils sonoriseront les Boogie Balagan. Un trio «franco-israélo-palestinien», explique François Jolivet, le directeur des Quatre Ecluses, la salle musiques actuelles de Dunkerque, partenaire du projet. Du blues joyeux, avec l'accent d'Arafat : «Ahlan, ya habibi, I'm back in town», à écouter