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A Pôle emploi : «A quoi on sert, à part éponger la violence?»


SOCIÉTÉ - Actualisé à 21h - Les agents de Pôle emploi étaient en grève, ce matin. Ils réclament des renforts pour accueillir les chômeurs. A Lille, devant le site du Port fluvial, Nathalie, de l'agence d'Hellemmes, explique pourquoi.

«Depuis avril, le nombre de chômeurs dont je m'occupe a presque doublé. J'étais à 80 actifs, je suis à 130. Les recevoir tous les mois, je ne peux pas. On nous dit d'accompagner, d'appeler les employeurs, on ne peut pas. Les trois-quarts du public que j'ai est loin de l'emploi. Dans une telle détresse que je suis entre l'assistante sociale et la psy. Exemple, une dame qui travaillait sur chaîne, pour les saucisses Caby. Licenciée à 56 ans, après 30 ans de boîte, l'impression d'être jetée, des douleurs articulaires dans les mains, des douleurs dans le dos. On sait bien qu'elle ne sera pas prise ailleurs. Je les écoute, ça leur fait du bien. Les indemnisations, on n'arrive pas à suivre, surtout certains dossiers complexes, nombreux dans mon agence. Depuis la fusion, les ex-agents ANPE comme les ex-agents Assedic sont sensés savoir tout faire, ce n'est pas vrai. Les files d'attente ont triplé. Les gens ne sont pas indemnisés, il y a des crises. Deux fois cette année il a fallu appeler la police, quelqu'un est venu avec une batte de base-ball. En huit ans ici, je n'avais jamais vu ça. Au bout d'une demi journée d'accueil, on n'en peut plus. Une journée face aux gens, je rentre pompée. A quoi on sert, à part éponger la violence? Il y a des agents qui fondent en larmes, deux sont tombés dans les pommes, à cause de la tension accumulée. On a dû les allonger par terre dans la salle de pause, il n'y avait rien d'autre. Depuis, on nous a acheté une belle chaise longue. Ça coûte moins cher que d'embaucher».

Recueilli par Haydée Sabéran

La grève du stress

Ce que réclament les grévistes de Pôle Emploi? Une augmentation des effectifs, l'embauche des salariés précaires. Ils déconcent un futur «plan d'austérité», une baisse annuelle des effectifs de 1,5% par an sur 4 ans l'an prochain. «Inenvisageable quand tout le monde reconnaît l’impossibilité d’accomplir aujourd’hui nos missions de service public» dit un communiqué de l'intersyndicale SNU, de la CGT, SNAP et SUD. Une porte parole de Pôle Emploi assure que ce plan est «un bruit syndical. Je peux vous dire que c'est faux».  Les grévistes réclament aussi de meilleures conditions de travail, et moins de stress. «Ce n’est pas 60 demandeurs d’emploi par portefeuille (promises par le gouvernement au moment de la fusion ANPE-Assedic) à suivre mais dans la majorité des cas plus de 150 pour atteindre parfois 300.(...) Quand l’organisation du travail provoque elle-même désorganisation et souffrance, il est temps de revoir de fond en comble le problème». Selon la direction, la moyenne nationale est à 98, et 114 dans la région. Elle reconnaît que dans 17 agences sur 85, le portefeuille de demandeurs d'emplois dépasse les 130. Loin des 60 promis au moment de la fusion, «mais entre temps, il y a eu un événement d'importance mondiale qui s'appelle la crise économique», insiste la porte parole de Pôle Emploi Nord Pas-de-Calais, c'est quelque chose sur lequel on n'a pas la main». Elle ajoute : «on a quand même transformé en CDI 230 CDD depuis un an». Selon les chiffres de Pôle Emploi, le nombre de chômeurs en recherche d'emploi a augmenté de 8% depuis un an. Environ 14% des effectifs étaient en grève aujourd'hui, et deux sites étaient fermés.

H.S.