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«Sarko pensait être tranquille jusqu'au 11 juillet! Merci Domenech!»


RETRAITES - Long cortège à Lille, 10 500 manifestants selon la police, plutôt 30 000 selon les organisateurs. Des usines fermées dans le Valenciennois : production arrêtée pour cause de grève à Sevelnord, assemblage de voitures, à Vallourec, fabrication de tubes. Un syndicaliste CFDT jubile et ironise : "Merci, Domenech, d'avoir perdu la Coupe du monde, ça n'arrange pas Sarkozy, il pensait être tranquille jusqu'au 11 juillet. Là, les gens ont le temps de repenser aux retraites, avec en plus un petit goût de frustration à exprimer." 

L'accessoire fétiche de la manif' lilloise, c'est le déambulateur. "Le message de Sarkozy est clair", explique Claire Bornais (Snesup), enseignante à Lille 1, "Si vous avez pu penser que gagner de l'espérance de vie va vous permettre d'avoir une bonne vie pour votre retraite, renoncez-y. Votre santé, ce n'est pas pour vous, pas pour faire les voyages dont vous rêvez, c'est pour travailler." Véronique, 50 ans, travaille en halte-garderie. C'est la première fois qu'elle fait grève, sa voix vibre de colère : "J'ai un travail très physique, j'ai déjà des douleurs de dos, de genoux. Aller jusqu'à 65 ans, ça me paraît impossible. Je serai une mamie croulante auprès des enfants." Charles, qui défile avec elle, boîte légèrement : il bosse dans une cartonnerie, pousse des  bobines de trois tonnes. "J'ai déjà des problèmes de dos", soupire-t-il. "Comment je serai à 65 ans ?" Il a 29 ans. Pourtant, le projet de loi prévoit un départ à 60 ans pour les métiers pénibles, sur expertise médicale, au cas par cas. Charles n'y croit pas : "Il faudra monter un dossier, conservé tous les soins qu'on a eus, il faudra tout prouver." Eric Dronsart, CFDT Auchan, est bien d'accord : "C'est une usine à gaz. Quand on voit la difficulté pour avoir un médecin du travail dans les entreprises, qu'un salarié qui a repris le travail depuis six mois n'a toujours vu personne... Le résultat, c'est qu'on va avoir des gens usés qui vont continuer à bosser."

Au-delà de la sauvegarde de l'âge de la retraite, les salariés du privé et du public dénoncent tous une dégradation des conditions de travail. Comme Brigitte et Laurence. Elles travaillent à l'EPSM (établissement public de santé mentale) de Lille Métropole. "On en a ras-le-bol. Les réductions de personnel sont de plus en plus courantes. Nous travaillons toutes les deux au pavillon des admissions", expliquent-elles en choeur. " C'est tous les jours le stress et la violence. On ne peut pas faire face de la même manière à 60 ans et à 30 ans. Nous ne sommes pas assez nombreux, du coup, il y a des agents de sécurité qui viennent nous aider. Ils ne sont pas des soignants. Il ne faudrait pas oublier qu'on soigne des gens, et pas du matériel." Aujourd'hui, elles peuvent partir à la retraite à partir de 55 ans. Christelle est employée à l'inspection académique. Cela ne fait qu'un an qu'elle a eu le concours et qu'elle a été titularisée, à 37 ans. Avant, elle a connu "dix ans de précarité et de vacations" au même endroit. Elle a fait partie de ces précaires de l'administration. "Je devrais travailler plus loin que 65 ans", explique-t-elle doucement. "Ma carrière, elle ne commence que maintenant."

Stéphanie Maurice