Comparateur de rachat de crédit

L'aide juridictionnelle en panne à Lille


JUSTICE - Ils ne plaident plus que dans les dossiers les plus lourds. Six mois de retard dans le traitement des dossiers de l'aide juridictionnelle, ça suffit, estiment les avocats du barreau de Lille. Alors, ils jouent la montre, demandent le report des procès. Avec l'espoir de faire réagir l'organisation judiciaire. Au tribunal lillois, 70% des personnes au pénal, 60% au civil font appel à cette aide, qui prend en charge les frais d'avocat. "Les retards sont tels qu'aujourd'hui, on examine les dossiers d'octobre", estime le bâtonnier, Me René Despieghelaere

Jusque là, "l'avocat compatissant déclenchait tout de même l'action pour ne pas léser son client", explique le bâtonnier. Mais la patience a des limites. "On a plaidé en appel, on a déjà la décision, mais on est toujours en attente de l'avis sur l'aide juridictionnelle, pour le jugement de première instance. Cela devient un peu étrange", remarque Me Christelle Denisselle, avocate spécialisée dans le droit des mineurs.Et les clients ne comprennent pas vraiment quand l'aide leur est refusée alors que le jugement a déjà été rendu.  Sortir l'argent de leur poche alors qu'ils estimaient l'affaire pliée, c'est difficile.

Surtout qu'il y a des effet pervers complémentaires : impossible de mandater un huissier, sans assurance d'aide juridictionnelle. "J'ai des clients dans un dossier de divorce, ils sont tous les deux d'accord sur le partage des biens, ils veulent le jugement rapidement pour régler la question, mais Madame prétend à l'aide juridictionnelle, et elle n'a pas de réponse. Elle a besoin d'assigner légalement son mari par le biais d'un huissier, mais elle n'a pas l'argent. Alors, c'est Monsieur qui va payer sa propre assignation", soupire Me Denisselle. Légèrement kafkaïen. Me Despieghelaere, lui, s'inquiète pour le budget de l'aide juridictionnelle, géré par le barreau."Les dossiers ne sortent pas, donc les décisions qui permettent de débloquer les paiements ne sortent pas, donc l'ordre ne sort pas les fonds car il n'a pas le justificatif nécessaire. Tout ceci fausse les statistiques ce qui veut dire que l'année d'après, la dotation accordée par l'Etat va être moins importante." 

La raison de ces dossiers qui s'accumulent au bureau de l'aide juridictionnelle est connue : pas assez de personnel. A la présidence du tribunal, on le reconnaît : "Il manque un certain nombre de fonctionnaires, on pare donc au plus pressé, à tous les dossiers qui touchent à la liberté des personnes". En priorité le pénal, donc, ainsi que les jugements concernant les gardes d'enfants. Les avocats demandent "deux temps plein en plus jusqu'à fin juin", pour écluser le retard. A la présidence, on reste circonspect : "Pour l'instant, dans toute la fonction publique, nous sommes dans une période de restriction. Chacun étant logé à la même enseigne, on ne va pas déshabiller une juridiction pour en habiller une autre." On évoque bien une décision récente "d'apporter des renforts ponctuels". Le bâtonnier tranche :"Je n'ai aucun écrit en ce sens-là."

S.M.