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«La police mexicaine a produit un faux en écriture»


INTERVIEW (à 12h) - L'avocat de Florence Cassez, condamnée à 60 ans de prison au Mexique pour enlèvement, estime qu'une décision de la Commission des droits humains du Mexique de 2007, rendue publique hier, aurait pu modifier le cours du procès de sa cliente. «La police mexicaine a menti», résume Franck Berton. Il a déposé plainte, et va déposer un recours .

La justice mexicaine reconnaît que Florence Cassez n'a pas été arrêtée devant les caméras de télévision, mais avant. Les enquêteurs l'avaient déjà reconnu. Qu'est-ce qui est nouveau?

Genaro Garcia Luna, le directeur de l'Agence fédérale d'investigation (AFI) avait affirmé que le montage avait été fait à la demande des journalistes. Or, en octobre 2007, la Commission des droits humains, dans une décision judiciaire, dit que ce n'est pas vrai. Elle avait été saisie par Pablo Reinah, journaliste à Televisa qui avait filmé «en direct» l'arrestation.

Sur quoi porte le mensonge?

On se souvient que Garcia Luna est mis en difficulté par Florence dans l'émission de Denise Maerker, Punto de partida. Le lendemain, dans une conférence de presse à côté du procureur de Mexico, il explique que ce sont les journalistes qui lui ont demandé de faire ce montage. Or le journaliste Pablo Reinah a été viré de Televisa après ça. Alors il a saisi la commission des droits humains pour dire «Je n'ai pas manqué aux règles de déontologie, c'est l'AFI qui a tout organisé». La décision a été rendue en novembre 2007, elle lui donne raison. Le parquet savait, mais nous l'a caché.

Cette décision, elle dit quoi?

Elle dit que c'est la police fédérale qui a demandé à la télévision de participer à ce montage. La commission (1) dit aussi qu'il n'a pas été précisé au journaliste que les personnes avaient été arrêtées avant son arrivée. Ça veut dire que la Commission des droits humains dit que c'est la police qui a sollicité la télévision et pas l'inverse, que Garcia Luna a menti, et que le journaliste ne savait pas que Florence avait été interpellée avant son arrivée.Garcia Luna, et Cardenas Palomino (celui qui ouvre la porte dans le reportage, le directeur de l'enquête) ont donc commis un faux en écriture quand ils ont dit que Florence a été interpellée le 9 décembre 2005. Ça renforce donc la théorie de Florence : elle a été arrêtée le 8, et replacée dans le ranch. C'est la démonstration que les premières pièces de l'enquête sont des faux.

Quelles conséquences?

Florence a été jugée en appel en 2009. Si le juge d'appel avait eu cette décision sous les yeux, une décision qui dit que la police ment que tout est construit sur un mensonge, que le dossier est pourri, je pense qu'il nous aurait donné raison. C'est la démonstration que l'AFI s'est conduite de manière scandaleuse. Tout le reste s'effondre. Au regard de la loi mexicaine, tout personne arrêtée en flagrant délit doit être présentée à un juge sans délai. Les droits consulaires de Florence ont été violés. Et elle n'a pas bénéficié d'un procès équitable.

Pourquoi cette décision de 2007 sort maintenant?

Parce que Pablo Reinah a vaincu sa peur. Après la parution d'un article de 12 pages qui le mettait en cause, il a communiqué cette décision au bureau de l'AFP au Mexique, même si c'est dangereux pour lui.

Vous venez d'annoncer que vous attaquez Garcia Luna devant la justice française. C'est jouable?

Oui c'est jouable. Le code de procédure pénal prévoit qu'on peut saisir le procureur général de Paris si un ressortissant français est victime d'un faux dans une procédure étrangère. Le procès verbal d'interpellation de Florence est un faux. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est la justice mexicaine. Donc on attaque Garcia Luna, qui est aujourd'hui ministre de la sécurité, et qui dirigeait à l'époque l'AFI, mais aussi son bras droit, qui dirigeait l'enquête.

Donc s'ils mettent le pied sur le sol français un juge est susceptible de les interroger?

Le juge est susceptible de les interroger au Mexique aussi. Pourquoi pas un mandat d'amener.

La procédure n'est pas close pour Florence Cassez?

Non. On ne s'est pas désisté de la possibilité d'un « amparo », un recours devant la cour suprême. On est en train de le rédiger avec l'avocat mexicain de Florence, sur le fond du dossier, auquel on ajoute cet élément nouveau.

Ça va prendre combien de temps?

On ne sait pas encore quand on va le déposer. Ni combien de temps la cour mettra à l'examiner.

Et Florence Cassez, qu'est-ce qu'elle en pense?

Elle n'est pas au courant, c'est tombé cette nuit, elle dort.

Recueilli par Haydée Sabéran

Lire aussi, de la correspondante de Libération à Mexico, .

Le de Florence Cassez sur Liberation.fr

(1) Dans une proposition de conciliation du 2 mars 2007.

Photo Reuters : Franck Berton, le 8 décembre 2009, date anniversaire de l'arrestation de sa cliente, devant l'ambassade du Mexique à Paris.