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Lycée Ferrer : «Sans nos profs, on n'ira pas loin»


ÉDUCATION - «T'as signé?» Devant le lycée professionnel Francisco Ferrer à Lille-Fives, les élèves se poussent, bougent, se marrent. Et signent la pétition de leurs profs. Les enseignants protestent contre la perspective de «32 élèves par classe, contre une moyenne de 27 aujourd'hui», explique Laure Bourel, prof à Ferrer. En cause? La réforme du bac pro, qui passe de 4 années à 3. Un prétexte pour faire des économies, estiment les profs. «Des moyens pour Ferrer», réclame une pancarte sur le mur. Une prof toise un élève : «T'as signé?» L'ado fanfaronne : «Nous, on veut 32 élèves par classe!» Il précise : «31 meufs, et moi». Il signe.

«C'est bien qu'ils se bougent, ça fait cinq ans que c'est le bordel», dit Emmanuelle, en terminale bac pro secrétariat. C'est vrai que déjà aujourd'hui, ça ne va pas fort. «On n'a pas eu de professeur de secrétariat pendant des mois. On a fait un courrier au Rectorat (1) avant les vacances, on n'a pas eu de réponse». Le secrétariat, dans cette classe, c'est 10 heures par semaine, un tiers du temps, coefficient 8 au bac.

«Notre lycée n'est pas pris au sérieux. On peut pas se faire cours tout seuls», résume Emmanuelle. «Sans nos profs, on n'ira pas loin», ajoute Barbara. «En plus, l'assistante sociale n'est pas là, et on a un proviseur à mi-temps». L'assistante sociale? «Il y en avait deux il y a quelques années, il n'y a plus qu'un quart temps. Ils n'ouvrent pas de postes aux concours, on est obligé de partager la misère», explique Laure Bourel, enseignante. Le lycée compte 85% de boursiers, selon une enseignante, et il est classé en Zone urbaine sensible.

Emmanuelle : «Au Rectorat, ils ne se rendent pas compte qu'on passe le bac à la fin de l'année, et que c'est important» Une autre évoque une «terminale BEP compta, pas de prof de compta pendant quatre mois, avec le BEP à la fin de l'année».

Alors la perspective de réduire encore les heures, et de fusionner trois classes en deux l'année prochaine, c'est trop. «Quand ils arrivent ici en septembre, ce sont des chiens fous, il faut les dompter, dit Cathy Ballekens, professeur de secrétariat. «Une élève m'a dit : "Madame, si on est 32 dans la classe, vous allez m'oublier"». On ne leur donne pas la chance de s'en sortir.»


«Les gamins ont la tête prise par un tas de choses. Certains habitent chez un copain, parce que les parents les ont virés», raconte Corinne O'Miel, prof d'histoire. «D'autres décrochent, à deux mois près, juste parce qu'on a pas pu les prendre en charge à temps, un dossier n'a pas été transmis à un éducateur, faute de gens. Deux mois après, c'est trop tard, le gamin a pété un cable».

Haydée Sabéran

(1) Le rectorat a été sollicité, mais n'a pas encore répondu à nos questions.