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A Arc International, les cristaux liquident


INDUSTRIE - Ça s’est passé sans bruit. Plus de 5 000 emplois perdus, dans une seule usine. Arc International, à Arques (Pas-de-Calais), «leader mondial des arts de la table», qui a embauché «une personne par jour» jusque dans les années 90, vient de passer de 12 000 salariés à 6 900 en cinq ans, partis en préretraites et en départs volontaires. Pendant qu’elle fermait des fours à Arques, la société a créé 2 400 emplois en Chine et dans les Emirats arabes unis. Le site d’Arques compte encore, selon la direction, un «sureffectif» de 400 personnes. A FO, calculette à la main, on estime que plus de 1 200 emplois sont menacés. Les délégués craignent, pour la première fois dans l’histoire du site, des licenciements secs. La direction, elle, reste muette sur le sujet. 

Une intersyndicale, cadres compris (1), lance un appel à la grève pour le 9 mars. Si elle est suivie, ce serait, dans cette usine célèbre pour sa docilité, une première depuis 1936. «Vous êtes couverts par le droit de grève. Prévenez votre hiérarchie et mettez en sécurité votre machine», dit, prudent, le tract.

«Taxe». Seule grosse usine dans ce secteur agricole, la «cristallerie», comme on dit encore même si elle a cessé de fabriquer des verres en cristal, découvre qu’elle est fragile. La faute à qui ? Selon la direction, la parité euro-dollar défavorable, le coût du transport et la nécessité de fabriquer «selon les goûts des clients» obligent à se rapprocher des marchés chinois et moyen-orientaux. «Ça s’appelle une délocalisation», répond Frédéric Specque, délégué CGT. Joël Deremetz, de FO, ajoute que ses collègues «déballent des verres Made in China pour les étiqueter Made in France». Ce qu’Arc dément. Arc International a-t-il un avenir industriel sur le site ? «Pas à plus de 3 000 personnes, comme c’est parti, soupire Specque. Il faut une volonté politique. Une taxe environnement sur les transports. Les verres coûtent moins cher à fabriquer en Chine, transports compris.» Sans ça, il prédit «la mort de l’usine. J’espère que non, mais je le crains». Dans les cinq ans.

Non, «le site n’est pas condamné», dédramatise José-Maria Aulotte, directeur des ressources humaines du groupe, «un bon verrier, c’est quinze ans de travail. Ce n’est pas quelque chose qu’on va transférer à l’autre bout du monde. On a besoin d’un stock important de gens à Arques. Si on pensait que c’était cuit, on n’innoverait pas». La société vient de créer deux nouvelles matières, le Diamax, qui remplace le cristal, et le Zénix, un genre de porcelaine, «conçus et fabriqués exclusivement à Arques».

«Bas prix». Dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi lancé en 2004, la direction a dû mettre de l’argent pour «revitaliser le bassin d’emploi», alors que, durant des décennies, le patron historique de l’usine, Jacques Durand, à la tête de la chambre de commerce, avait «tout fait pour empêcher l’implantation d’industries, pour conserver une main-d’œuvre à bas prix», raconte Philippe Maes, de la CGT. L’entreprise vise 1 350 emplois créés pour 8,4 millions d’euros versés. Pour l’instant, seuls 450 sont effectifs, dont 300 issus d’Arc International. Il faut y compter les externalisations de services de la cristallerie, comme le nettoyage. «Pour nous, ce qui est important, répond la direction d’Arc, c’est que les gens aient un emploi.»

Haydée Sabéran

(1) CGT, FO, CFTC, CFDT, CFTC, CFE-CGC.

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