Comparateur de rachat de crédit

Percheron, l'inconnu du Nord, ou presque



RÉGIONALES -
Son nom ne lui ressemble pas, Daniel Percheron tient plus du loup que de l’épais cheval de trait. Discret : le sénateur socialiste, candidat à sa réélection à la tête du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, inconnu du Nordiste de base - 8% de notoriété -, fuit les journalistes et rechigne à poser pour la photo. «Je ne suis pas un mannequin», . 

Chef de meute, aussi : l’ancien patron de la fédération du Pas-de-Calais pèse encore lourd au PS. La première secrétaire Martine Aubry lui doit le soutien du Pas-de-Calais au congrès de Reims. Dans la plus grosse fédé PS de France, ouvrière, obéissante, vieillissante, on est guesdiste, héritier de l’austère Jules Guesde, et on suit le chef. Exemple un jour de 2005 à Liévin, sa section. Les militants votent. A une vieille dame qui demande comment faire, une jeune détaille : «Prenez le bulletin François Hollande, allez dans l’isoloir…» Un ex-mineur assume : «Chez nous, on a un mot d’ordre.» Une dame murmure : «Moi, je suis une fayote. J’ai adhéré pour avoir une place en maison de retraite.» Donnant-donnant. Le militant s’en remet à l’élu comme on s’en remettait au patron des houillères, chaleur humaine en prime. Ici, le «patron», c’est «Daniel».

«Modestie». Les militants ont-ils le doigt sur la couture du pantalon ? Il répond que le guesdisme est une «pédagogie de l’espoir». L’«influence» qu’on lui «prête», il assure - sans la nier - que c’est la rançon d’une «forme de modestie». Pas de mandat de député, jamais ministre : «Je n’ai pas revendiqué de leadership, donc on dit : "Il est dans l’ombre, il tire les ficelles."» Pourtant, même s’il n’est plus patron de la fédé, c’est à lui que Pierre Ferrari, jeune socialiste et ancien candidat à la mairie d’Hénin-Beaumont, écrit pour réclamer l’aide du parti dans la ville empêtrée dans l’affaire Gérard Dalongeville, l’ex-maire PS, mis en examen pour détournements de fonds. Son soutien à cet édile clientéliste, viré, puis réintégré au PS, et réélu en 2008 ? Percheron ouvre des yeux candides et se défausse : «Je l’ai vu trois fois dans ma vie…»

Egyptologie. Il se sent bien au milieu des militants et des élus. Mieux qu’avec les imprévisibles vraies gens. Il n’a jamais été maire et aime, du coup, en mettre sur sa liste. «Moins un homme de proximité que de prospectives», analyse le chercheur Rémi Lefebvre, spécialiste du PS. Le truc de Percheron, fana d’égyptologie et de foot : inventer une antenne du Louvre à Lens, dessiner une région «ferroviaire» autour du «TER-GV», le TGV régional, dont l’usager ne paie «que 20% du prix», et qu’il emprunte presque tous les jours, entre son domicile de Boulogne-sur-Mer et Lille. «Les 8% qui le connaissent? Ceux qui prennent le TER-GV», s’amuse son vice-président (Verts) Dominique Plancke, candidat sur la liste Europe Ecologie. Il rêve de faire du train à Valenciennes l’équivalent de l’aéronautique à Toulouse. Et il vibre «formation, recherche, innovation».

Foot.C'est aussi un vrai fana de foot, qui aurait pu devenir pro sans une blessure à la jambe, racontent ses proches. Il y a quelques semaines, lors d'une réunion du syndicat mixte des transports, il chuchote avec Francis Decourrière, président du club de foot de Valenciennes, conseiller municipal, président du syndicat des transports urbains, et... père de Valérie Létard, et à sa concurrente du Nouveau Centre et secrétaire d’Etat aux Technologies vertes, tête de liste de la majorité. Et de quoi? De foot, de la faiblesse de Valenciennes sur son côté droit, s'agace Plancke, «ça dépasse les clivages politiques».

Il vit comme une sorte de mission de sortir l'ancien bassin minier du Nord de la mouise dont il n'est pas encore sorti, «champion du monde des cancers des voies aéro-digestives supérieures», aime-t-il à rappeler. Quand on l'interroge sur son lyrisme ouvriériste un peu suranné, il raconte que «la classe ouvrière existe toujours», et qu'elle «souffre terriblement». Son lien avec elle? Ce fils d'instit' a grandi au milieu des enfants de mineurs, dans la «la cité 12 de Lens. Je suis parti au lycée, mes copains ont passé leur certificat d'études, et puis ils sont descendus au fond. Une différence difficile à vivre, heureusement qu'il nous restait le ballon». Il a vu aussi ses «jolies copines polonaises abruties de fatigue» par le travail dans les usines textiles. 

«Bicyclette».Dans une réunion militante à Saint-Omer, devant un parterre de quinquagénaires et plus, jeudi, il lance d’abord une pique à droite - «4000 postes d’enseignants en moins en cinq ans dans la région» -, et à Valérie Létard. Puis ajoute : «La social-démocratie, qu’est-ce qu’ il y a de mieux ? Je pourrais dire que j’ai une bicyclette, et que je suis facteur, mais je ne suis pas révolutionnaire, je suis socialiste. Je ne vous promettrai pas ces paradis qui sont, historiquement, des cauchemars.» Il prophétise au passage qu’il y a «neuf chances sur dix que Martine [Aubry, ndlr] soit candidate» à la présidentielle de 2012, et qu’«on va gagner, pas de beaucoup, 51-49». Le même soir, il a aussi prédit que Lens sera en finale de la Coupe de France.

Haydée Sabéran

Photo Reuters : Au premier plan, à gauche, Daniel Percheron, lors de la pose de la première pierre du Louvre Lens.

Lire aussi :

NORD-PAS-DE-CALAIS

4 022 000 habitants

Capitale de région : Lille

Revenu moyen par ménage : 14 995 €/an (France : 18 080 €)

Chômage : 12,6 % (France : 9,1 %)

Le conseil régional 2004

Président : Daniel Percheron (PS)

113 sièges

Gauche : 73

Droite : 24

FN : 16

Résultats des élections régionales 2004 (1er tour)

Gauche : 40,57%, droite : 25,28%
FN : 17,94%, ext. gauche : 5,11%
Verts : 6,28%, autres : 4,83%


Résultats des élections européennes 2009


UMP : 22,61%, PS : 20,29%,
Europe Ecologie : 11,12%,
FN : 10,90%, Modem : 8,14%,
PCF et Parti de gauche : 8,38%,
autres : 18,56%

Source : ministère de l’Intérieur