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Calais : passagers Eurostar sous abri, migrants aussi


SOCIÉTÉ - Hier soir, Calais sous la neige, rue de Moscou, près du port. Ils se croisent. Chaussures trouées, baskets sans chaussettes, tête dans les épaules, une centaine de migrants quittent le préau du repas chaud offert par l'asso Salam. Sur le même trottoir, des voyageurs de l'Eurostar tirent leurs valises à roulettes dans la neige. Cette nuit, la ville a ouvert le complexe sportif Calypso pour ces riches naufragés de l'Eurostar. Et depuis six jours, l'ancienne salle des dockers reçoit d'autres naufragés, les futurs passagers clandestins des ferries, ceux qui se glissent la nuit dans les camions, les migrants sans-abri.

Cartons. Les premiers traversent la ville de la gare au port, pour tenter de trouver un bateau pour Douvres. Un petit groupe des seconds, des Soudanais, se dirige vers le port pour tenter d'embarquer en clandestin sous un camion. Vite. Il ne reste que deux nuits avant que la trève de Noël raréfie les chances de passer, pour les quelque 300 jeunes hommes -parfois, même pas des ados-, obsédés par le passage de l'autre côté.

Les plus fatigués s'installent avec les bénévoles du collectif C'Sur dans la salle des dockers, pas chauffée, mais abritée. Pas de lit, mais des cartons à même le sol, des couvertures et des sacs de couchage. Un petit garçon kurde avec ses parents. Des ados Afghans seuls,  parfois d'à peine 11 ans.

Orteils. Wahid, 17 ans, maigrichon, s'approche, sourit et s'asseoit sur une table, les pieds ballants. Il a enlevé ses baskets et fait bouger ses orteils rougis. Il rit : "je suis plus à l'aise. Mes pieds sont devenus malheureux dans mes chaussures". Et puis, grave : "Tu penses que ça va être comment, ici, pour les Afghans, en 2010?" On lui rappelle ce qu'il sait : la France s'est mise à expulser les Afghans sans-papiers majeurs vers leur pays, les Anglais le font aussi, il a le droit de demander l'asile ici.

Il raconte que sa mère a vendu sa maison pour payer son voyage. "Elle a dû partir vivre chez mon oncle. Les Talibans ont tué mon père, ils ont tué mon frère. Moi, il fallait que je me sauve". Il lui reste deux sœurs, un petit frère. Il fait le geste de la taille avec sa main, le frère qu'il a laissé grandir derrière lui ne doit pas avoir plus de neuf ans. Il dit tout ça très vite, il parle un peu plus fort, le souffle coupé, une sorte d'épouvante dans l'œil. Sa main effleure sa poitrine. Il  a l'air de s'excuser, la tête penchée. "La douleur, je ne peux même pas te la dire". Il saute de la table et s'échappe, on le perd de vue dans la petite foule des jeunes migrants aux cheveux noirs.

Sandwiches. Pendant ce temps-là, selon la préfecture du Pas-de-Calais, 286 passagers de l'Eurostar ont été logés dans le complexe sportif Calypso, à quelques kilomètres. Avec l'aide de la préfecture, de la mairie, de la société P&O, la Chambre de commerce, la SNCF, et la Croix-Rouge, on leur a offert des sandwiches et des boissons, indique la préfecture qui précise que la police a "assuré leur sécurité".

Ce soir, en raison du froid, le collectif C'Sur ouvre à nouveau la salle des dockers aux migrants, sans-abri depuis la fermeture du hangar de la Croix-Rouge de Sangatte en novembre 2002.

H.S.

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