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A Calais, les migrants à la merci des passeurs


Pour les migrants de Calais, c’est pareil, en pire. Pire qu’avant le démantèlement médiatisé de la «jungle», le mois dernier. Toujours à la rue, plus fragiles, plus harcelés encore par la police, et, paradoxalement, plus vulnérables aux passeurs. «Eric Besson nous a expliqué qu’il détruisait la jungle pour affaiblir les passeurs, , raconte Jean-Claude Lenoir, de l’association Salam mais c’est l’inverse qui se passe»

En nombre les migrants sont plus forts face à la loi des passeurs, ceux qui jouent du couteau et rackettent pour l’accès aux parkings, estime le bénévole. «Ils se laissent moins faire. Pour un passeur, c’est plus facile de dicter sa loi à un type isolé qu’à 300 personnes. Les migrants n’ont pas besoin de passeurs pour passer, ils s’entraident pour monter dans les camions, c’est quand ils sont isolés qu’ils ont besoin d’aide.»

Les passeurs y gagnent également car, privés d’abri, harcelés par la police, épuisés, les migrants n’ont plus personne vers qui se tourner. «Après le démantèlement, on a vu revenir, à l’heure du repas, les gars qui ont fait de la prison», c’est-à-dire les petites mains des réseaux illégaux, ajoute le responsable de Salam. «Ils réapparaissent pour reprendre les choses en main.»

Combien sont-ils à présent ? Moins nombreux, car certains, effrayés par les risques de charter, sont partis tenter leur chance aux Pays-Bas ou en Norvège. D’autres se sont dispersés sur le littoral français et belge. Ils seraient «entre 200 et 300» à Calais même, selon les associatifs, près de 500 dans le Calaisis, dispersés, leurs campements détruits deux ou trois jours après avoir été formés. «Les policiers se sont remis à mettre les couvertures dans l’eau ou à les asperger de gaz lacrymogène pour qu’ils ne puissent plus y dormir», raconte Jean-Claude Lenoir. Vieilles pratiques qu’on avait vu fleurir à la fermeture de Sangatte. «Les policiers sont revenus aux moments des repas aussi, ça faisait un an qu’on avait plus vu ça. Leur provocation s’était calmée, elle a repris

«Visibles». Les associations distribuent des nouvelles tentes et des couvertures, détruites quelques jours plus tard. «Les migrants ne comprennent pas ce qui leur arrive, explique Vincent Lenoir, le fils de Jean-Claude. Le paradoxe, c’est qu’en ville, ils sont plus visibles qu’avant. Depuis que la jungle a fermé, ils s’abritent sous les ponts

A la permanence des soins, un des rares lieux où les migrants se laissent un peu aller à parler, Reza Akbari, le traducteur, confirme que les migrants ne disent plus où ils dorment, «par peur de la police». Mariam Rachih, du Secours catholique, confirme : «Je ne sais pas où ils dorment, sauf ceux qui sont près du pont en face de l’aire du repas. C’est difficile d’aller à leur rencontre et de les aider.» Voire de leur apporter leurs papiers : cinq Afghans ont obtenu l’asile de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides(Ofpra), elle a dû les chercher dans tout Calais pour le leur dire. «Je cherche le dernier, il paraît qu’il tente sa chance pour passer à Dunkerque. J’espère le trouver avant qu’il réussisse. Ils se cachent.» De peur de voir leur abri détruit, d’être arrêtés et expulsés, vers la Grèce pour les Afghans, et vers l’Italie pour les Erythréens, pays de passage où on a relevé leurs empreintes digitales.

Gale.«On continue à voir les bouts de doigts brûlés par des produits chimiques, par des clous rouillés qu’on chauffe, pour effacer les empreintes. Ils sont psychologiquement fatigués. Ils sont mal. C’est ce qui me frappe le plus», soupire Céline Dallery, infirmière. Elle revoit des cas de gale arriver. «Les douches ont été supprimées, à part celle de la permanence d’accès aux soins, donc on en a ici 50 tous les jours.»

Ces jours-ci, Mariam Rachih est également partie à la recherche d’une famille kurde qui se cache dans la forêt, «là où se trouvait la jungle, mais encore plus loin». Encore plus près des passeurs.

Haydée Sabéran