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La grève du lait, sans les Robin des bois du yaourt


TERRE - Ils se sont battus pour le prix du lait, ils ont même été jugés pour avoir «prélevé» et distribué en bas des immeubles d'un quartier populaire, à Lille, des yaourts de chez Nestlé. Ils réclamaient un prix équitable. Pourtant ils ne font ne font pas grève cette fois. Ils expliquent . 

Vanille. «Les vaches, c'est tous les jours, tous les matins, et tous les soirs, même le jour de Noël». Élisabeth Darras, éleveuse à Ficheux, près d'Arras, raconte. «Le dimanche, si on veut aller se balader, il faut traire avant. Le soir en rentrant, pareil».

La première fois qu'on l'a vue, c'était à la barre du tribunal correctionnel de Douai, en avril 2008. Costaude et la voix douce, elle expliquait au président pourquoi elle avait avec ses copains de la Confédération Paysanne, «prélevé» des yaourts aux myrtilles et des desserts à la vanille chez Nestlé en 2004 pour les distribuer aux pieds des barres d'immeubles du Faubourg de Béthune, à Lille. «Quand les prix baissent, on a deux solutions, soit on baisse les bras et on arrête. Soit on se révolte.» ().

Elle avait choisi la révolte, avec six autres Robins des bois du yaourts comme elle. Le lait, à l'époque, était à 28,5 centimes le litre, contre 31 trois ans plus tôt. Cette année, en juin, il est passé à 21, et il est à nouveau à 28, alors que ça coûte en moyenne 32 à 35 centimes pour le produire.

Tous les jours, Élisabeth Darras stocke le lait dans une citerne réfrigérante. Nestlé passe tous les trois jours. Elle prend peu de vacances, «6 jours, il y a deux ans», elle se fait remplacer par des gens de la famille. Et si elle s'en sort autour de 2000 euros par mois, avec son mari, c'est parce qu'ils ont fini de payer leurs emprunts. «Pour un jeune qui s'installe, c'est bien pire».

Robots. Alors pourquoi elle n'y est pas, dans la grève du lait? «Les actions qui se font aujourd'hui doivent se faire. Mais nous ce qu'on défend, c'est un prix rémunérateur. Et pour l'obtenir, il faut réduire la production, baisser les quotas, et non les libérer».

Antoine Jean, éleveur de la Confédération près de Douai, et condamné pour la même affaire ajoute : «On soutient les grévistes, mais on n'a pas envie de s'en mêler. On défend autre chose que le productivisme. On voir arriver des gros avec des robots de traite informatisés, avec des vaches qui vont toutes seules se faire traire, 24h sur 24. On a pas envie de défendre ce modèle, avec des systèmes qui coûtent très cher, et des emplois perdus». Il s'est diversifié, vend de délicieux camemberts à 2,50 euros sur les marchés de Lille, et fait vivre trois personnes, lui, sa soeur et son frère, à 1500 euros par mois. «Au prix actuel du lait, si je ne dépendais que de Nestlé, je ne ferais vivre qu'une personne».

ADN. Sur la grève, Élisabeth Darras pense qu'elle peut avoir une efficacité «médiatique, un peu comme nous avec Nestlé», mais elle ne pense pas que les éleveurs puissent faire le poids sans l'appui officiel de la FNSEA. Antoine Jean ajoute qu'il a déjà  «beaucoup donné» avec l'affaire Nestlé, et a rencontré «peu de solidarité» chez ses confrères éleveurs. Il devrait à nouveau passer au tribunal le 3 novembre, pour avoir refusé de donner son ADN après sa condamnation. Élisabeth Darras aussi attend une convocation pour le même motif. Comme lui, elle avait été condamnée à deux mois de prison avec sursis, et payé 500 euros d'amende.

Haydée Sabéran

Photo Pascal Rossignol/Reuters : Dans la ferme de Serge Capron, éleveur gréviste, à Rebreuve sur Canche, dans le Pas de Calais.