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Laure Chailloux, l'accordéon fait main


MUSIQUES - Elle aime jouer tout près de vous. Elle n'a pas peur d'être tout près. Laure Chailloux aime étirer le soufflet de l'accordéon diatonique entre ses bras,  commencer une histoire, quelques mots, et vous laisser imaginer la suite sur les sons. A Cambrai, on cheminera avec elle, vendredi soir aux Journées du patrimoine, un itinéraire sonore dans la ville, «entre chien et loup». En attendant, on a trouvé Laure Chailloux chez elle, à Lille-Fives.

«Hopopop». Elle ressemble à la maison qu'elle habite. Il y a de la lumière et des recoins. Une pièce mène vers une autre, une autre, et enfin, comme au bout d'un chemin secret, un jardin. Elle s'assoit sur le canapé rouge, elle parle, l'accordéon est posé à ses pieds. Le thé refroidit, pas grave. Elle parle de son accordéon. Quand les mots ne suffisent plus, elle invente des onomatopées, «hopopop».

Pareil quand elle joue. Elle donne, sans se presser, des petits morceaux de moments, éphémères. Rien à voir avec le musette, pas de tango. Elle dit que ce pourrait être des musiques de film dont on pourrait inventer les histoires. Ça marche. Sa Bretagne en hiver, sa Salle des machines, elle les a vues, on croit les voir. Parfois, elle se lance dans des haiku sonores. D'autres fois, elle vous installe sous une cabane en mousseline, serrés les uns contre les autres, quatre ou cinq pas plus, comme des enfants qui attendent l'histoire du soir. Quand elle joue, derrière la mélodie, il arrive qu'on entende le bruit des clapets, comme une percussion, le sabot d'un cheval, ou les roues d'une charrette sur des pavés. On entend le soufflet qui respire. On rêve.

Glaise. Elle a les pieds sur terre, elle sait comment faire. Ce qui sort de ses doigts est comme un objet, précis, et jamais deux fois pareil. Elle dit qu'elle a dans sa besace, dans sa tête, par cœur, des moments travaillés.Quand elle improvise, elle va les chercher. Elle montre avec ses mains : «Comme de la terre glaise. Je prends ça, ça et ça. Hopopop. Ça, si ça va pas, je laisse. Comme une sculpture». Hop. Ses bouts de morceaux, elle les utilise au gré des lieux, il faut que les lieux lui plaisent, un tableau dans un musée, une usine vide. Toujours en mode mineur, même quand la musique est gaie, un fond de mélancolie qui attrape le ventre.

Elle dit qu'elle aime aussi l'accordéon comme objet, les sangles, le cuir, la nacre, le bois. Quand hop, elle l'attrape, pour expliquer comment elle invente sa musique, qu'on entend le cuir qui couine, l'air qui passe, que ses mains s'approchent des touches, on sent que ça va bien se passer.

Haydée Sabéran