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Zabiullah, 19 ans, «fatigué de la forêt, de la police»


«J'ai tenté cinq fois ma chance avant de renoncer». Fin juin, dans les locaux du Secours catholique de Calais. Zabiullah, 19 ans, frange courte, visage rougi par la vie dehors, raconte. Le jour, il attend une place en centre d'accueil pour demandeur d'asile et la nuit, il dort dans la «jangal», la «jungle», les bois de la zone industrielle des dunes, sous une bâche, entre des palettes et des couvertures. 

Après six semaines dehors, à se hisser sur les camions pour tenter de passer en Grande-Bretagne, le jeune Afghan s'est décidé à demander l'asile en France.

Il a une autorisation provisoire de séjour, la «carte verte», le temps de l'examen de son dossier à l'Ofpra. «J'étais fatigué de la forêt, de la police, des camions. C'est épuisant, dangereux. Sur les parkings, les passeurs te cachent dedans, dessous, sur le châssis, entre la remorque et la cabine du chauffeur, ou même recroquevillé sous le déflecteur, au dessus de la cabine. Avec le risque, une fois arrivé en Angleterre, de te faire expulser». Un ami vient de lui annoncer par téléphone, depuis un centre de rétention anglais, qu'il serait expulsé vers la Grèce, où la police a ses empreintes digitales. «Il avait payé son passage Calais-Londres 1200 euros! A quoi ça sert?» Sans compter les charters vers Kaboul, 80 par mois selon le sous préfet de Calais.

Le jeune homme se dit en danger dans son pays. «A Kaboul,des Talibans ont voulu recruter mon père. Il a refusé. Ils ont menacé de le tuer. On s'est enfui au Pakistan. Puis je suis rentré seul à Kaboul, pour reprendre l'école et le travail, le lycée le matin et le garage l'après midi. Mais le chef de guerre l'a su, c'est à moi qu' il a demandé de travailler. Ils m'ont dit «c'est facile, et pas dangereux. On te paie cher, 300.000 afghanis (4200 euros)». On m'a demandé de conduire une mobylette, dans laquelle était cachée une bombe, la garer, la déclencher par télécommande. J'ai appelé mon père au Pakistan, il m'a dit «tu reviens». Puis il m'a envoyé en Europe, par passeurs». Le voyage lui coûte 11.000 euros, et plusieurs jours de détention en Espagne.

A Calais, il se débrouille, tente le passage. Ne dit pas à sa famille qu'il dort dans la forêt. «Pour ne pas leur faire de peine. Au téléphone, ils me demandent : «Ta maison est bien?» Je réponds oui». On visite avec lui son bout de «jungle» les cabanes, les fausses douches -un rideau de plastique derrière lequel on se lave à la bassine-, et même un «magasin», un «restaurant», une «mosquée». Tout est en palettes et en bâches. Un homme sort sa tête d'une cabane basse, comme un terrier : «ça fait 5 mois que je suis là, je n'y arrive pas, et je n'en peux plus».

Fin juillet, Zabiullah a quitté la jungle. Il vit au Havre, dans un Centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Mercredi, au téléphone : «J'essaie d'apprendre le français. J'ai un très très gros dictionnaire persan-anglais, je cherche un persan-français, mais les librairies du Havre n'en ont pas». Le centre lui a promis des cours pour août. «Je connais déjà le persan, l'ourdou, le pachto, l'anglais. J'aimerais devenir traducteur».

H.S.

Dans la jungle de Calais, la peur d'être expulsé