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Danielle Poliautre est morte


POLITIQUE - Une petite brune, timide et énergique. Une combattante de l'écologie, pas sûre d'elle, mais sûre de son fait, c'était Danielle Poliautre. L'adjointe au développement durable, sans étiquette, dans l'équipe de Martine Aubry à Lille depuis 2001, est morte cette nuit, a annoncé la maire de Lille dans un communiqué. Danielle Poliautre était fille d'ouvriers communistes, grandie dans une courée de Roubaix, et au nom de la santé des ouvriers et des habitants des quartiers populaires, s'était tournée vers l'écologie. Une femme .

Plomb. On la voyait souvent courir, en retard, essoufflée. Elle parlait vite, et beaucoup. Elle refusait d'avoir un téléphone portable et se déplaçait en métro dans Lille, un cartable rempli de dossiers à la main, aux oreilles des pendants fabriqués par sa fille créatrice de bijoux. On la croisait parfois dans Fives, son quartier, même si elle avait été parachutée présidente du conseil de quartier de Wazemmes.

On l'a beaucoup croisée autour du dossier environnemental de Metaleurop, elle avait aidé un agriculteur installé près de l'usine dans son combat contre la fonderie. L'homme avait vu ses vaches mourir à force de manger de l'herbe contaminée au plomb. La militante s'était retrouvée , attaquée en diffamation par la direction de l'usine. Le procès s'était retourné contre le pollueur. Elle avait

Aiguiseurs. Elle détestait qu'on la prenne pour une «écolo-petites-fleurs-petits-oiseaux», elle n'aimait pas qu'on oppose l'emploi et l'écologie : «Au nom de l'emploi, on laisse passer n'importe quoi, expliquait la militante dans Libération (30/11/99). Dans cette région, il y a une culture du fatalisme. Je viens d'une famille ouvrière du textile: mon père, mon grand-père et mon oncle étaient aiguiseurs de cardes. Et ils avaient tous des doigts coupés! Il faut arrêter ça».

Elle détestait aussi l'esprit «Nimby», «Not In My Backyard», «pas dans mon arrière-cour», les combats de riverains contre l'installation d'une usine polluante ou d'une antenne relais, qui ne voient pas plus loin que le bout de leur rue. Avec les pollueurs, elle disait qu'elle voulait dialoguer, pas être dans l'invective. Pas dans la frime, pas dans le rapport de force. Quelqu'un comme ça en politique, ça repose.

Dans la région, elle avait dirigé l'association Environnement développement alternatif, promu un rêve avec la faculté de pharmacie : une expérimentation de pompage de la pollution par les plantes. Elue à Lille, elle avait voulu l'élaboration de l'«Agenda 21», une série de mesures, recycler les déchets, économiser l'électricité, l'eau, promouvoir l'achat responsable dans les appels d'offre municipaux, le vélo, distribuer des carafes «Ville de Lille» pour inciter à boire l'eau du robinet.

Elle était à l'origine des campagnes municipales annuelles, comme celle pour une meilleure alimentation. «Je me souviens d'elle au centre social Lazare Garreau de Lille Sud, se souvient quelqu'un qui l'avait suivie,  elle expliquait des recettes élaborées avec le Secours Populaire pour manger bien et pas cher. Attentive, pas comme ces politiques qui se comportent en châtelains quand ils arrivent quelque part»  Elle fonçait en souriant. Juste avant son procès contre Metaleurop, elle pouffait : «Des amis me disent "Courage, Danielle". Mais je ne me sens pas du tout en danger!»

Haydée Sabéran

REACTIONS -

Martine Aubry, maire de Lille : «Danielle était d’abord une militante. Elle incarnait la militante du local au mondial, au sens plein du terme : changer à côté de chez soi, inventer des réponses, rêver d’un autre monde et se donner les moyens de le réaliser.»

Michel-François Delannoy, maire de Tourcoing : «Je souhaite rendre hommage à la femme militante qui a porté, bien avant d’autres, les thèmes liés à l’urgence écologique. Cette pionnière du développement durable m’a personnellement beaucoup apporté sur les enjeux liés à l’environnement.»

Les Verts Nord Pas-de-Calais. «Engagée à gauche, elle avait perçu très vite, dans son combat, que les principales victimes des pollutions industrielles étaient d'abord les travailleurs, les plus pauvres, et que l'écologie est également un combat social : des sols pollués par Métaleurop à la création de l'Association Régionale des Victimes de l'Amiante, le productivisme et ses dégâts environnementaux touchent d'abord les plus démunis