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Au Pôle emploi, ils ne veulent pas être des indics


SOCIETE - Glisser les papiers d'identité dans un lecteur optique pour les scanner ; vérifier leur authenticité ; alerter la préfecture quand il y a un doute. Revenir vers la personne concernée et prétexter la surcharge de travail au Pôle emploi pour reculer son inscription. Voilà la procédure que doivent normalement appliquer, depuis début juin, les agents des Pôles emploi de la région Nord, à tous ceux qui viennent s'inscrire. «On leur demande d'être des sortes d'indicateurs de la police», glisse Gérard Minet, secrétaire régional de la Ligue des droits de l'homme. 

La conférence de presse se tient en plein air, ce matin, devant le siège administratif du Pôle emploi, à Marcq-en-Baroeul. «Notre travail, c'est accompagner la personne dans sa recherche d'emploi. Ce n'est pas servir d'auxiliaire de police. Je ne suis pas assermentée pour faire un tel contrôle», insiste Sabine Landrevie, du SNU-FSU Pôle emploi. «Et on ne sait pas ce que devient l'information en préfecture.» Elle rappelle l'exemple en Rhône-Alpes, qui a mis en place ce dispositif il y a deux ans. Un demandeur d'emploi en situation irrégulière, avait été repéré de cette manière. L'agent avait été prié de proposer un rendez-vous au chômeur, que la police attendait dans la rue avoisinante. «La personne ne s'est pas présentée, mais notre collègue a été traumatisé par cet épisode.»

Me Emmanuelle Lequien, du Syndicat des avocats de France, s'étonne : dans le cas d'une possibilité de fraude, légalement, le Pôle emploi est tenu d'avertir, non la préfecture, mais le parquet, pour une éventuelle suite judiciaire. Alors que les reconduites à la frontière sont bien une procédure administrative, menée par la préfecture. Elle enfonce le clou : «Sous couvert de lutter contre la fraude, on procède à un contrôle dont le destinataire est le ministère de l'Immigration. S'il s'agissait de lutter contre la fraude, on ne contrôlerait pas un public non indemnisé : il y a une dissension entre l'objectif visé et le public.»

La note interne du Pôle emploi Nord-Pas-de-Calais indiquerait même quels mensonges on doit tenir au demandeur d'emploi suspecté de posséder des faux papiers : il faudrait raconter que la demande d'inscription est reportée à cause d'une trop grande affluence ; ou, si cette excuse bidon ne convenait pas, que l'examen des demandes se fait par date de dépôt. «L'inscription est le moment où nous établissons un rapport de confiance avec le demandeur d'emploi», s'exclame Sabine Landrevie, qui a l'impression d'avoir changé de métier en cours de route. Me Lequien s'interroge : «L'une des règles démocratiques de base, c'est la violence légitime, ce qui sous-entend que ce pouvoir soit confié à une personne formée et assermentée, comme un policier. Aujourd'hui, nous voyons ce pouvoir remis à des agents de sécurité, à des concierges, à des maires. A partir de quand dévoie-t-on un principe démocratique fondamentale ?» Elle rappelle que les inspecteurs du travail avaient été soumis au même type d'obligation, ils ont saisi le Bureau international du travail, et la France a été sanctionnée. Le SNU-FSU souhaite le retrait des 118 lecteurs optiques dans chacun des bureaux régionaux. La direction du Pôle emploi, quant à elle, ne souhaite pas s'exprimer sur cette question.

S.M.

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