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«Qu’ils aillent en prison ne nous ramène rien»


ECONOMIE - Les repreneurs de l'usine Samsonite d'Hénin-Beaumont ont été condamnés à de la prison ferme. Quelque 2,5 millions d'euros avaient été détournés. Retour sur l'affaire.

Un an et deux ans de prison ferme : hier, le tribunal correctionnel de Paris a taclé sévèrement les anciens dirigeants d’Energy Plast, Jean-Jacques Aurel (PDG) et Jean-Michel Goulletquer (secrétaire général), pour la banqueroute de leur usine d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). Le jugement leur reproche la reprise frauduleuse du site et le détournement de 2,5 millions d’euros d’actifs de l’entreprise, ce qui a provoqué sa faillite.

«No name». A l’origine pourtant, la reconversion devait être idéale. L’usine, en difficulté, appartenait à Samsonite. Le bagagiste américain décide de revendre sa filiale à l’été 2005 et les repreneurs mettent en avant un business plan flatteur de changement d’activité avec la production de panneaux solaires. Du côté des ouvriers, on espère. Puis on déchante. Février 2007 : Energy Plast dépose le bilan, les caisses sont à sec. Pour les ouvriers, la cause est entendue, Samsonite s’est défaussé à bon compte d’un plan social sur des repreneurs peu fiables. Alors, ils décident de montrer les dents et obtiennent gain de cause : la vente est annulée par le tribunal de grande instance de Béthune. Samsonite a fait appel, le procès devrait se tenir à l’automne devant la cour d’appel de Douai (Nord). La condamnation de ceux qui ont achevé leur usine ? «S’ils ne l’avaient pas été, on aurait été très très déçus», explique Marcel Hennebelle, président de l’association des ex-Samsonite. «Mais qu’ils aillent en prison ne nous ramène rien. Nous aurions préféré que Samsonite soit à ce procès.»

Ce que n’est pas loin de penser Me de Kervenoael, défenseur de l’ex-PDG : «Mon client est un bouc émissaire. Il a repris cette usine en totale bonne foi, il comptait sur la vente des valises no name pour arriver à l’équilibre, car le solaire ne peut pas se développer comme cela, mais il n’a jamais réussi à vendre une seule valise !» Les no name, c’était un accord conclu avec Samsonite : la production de valises sans marque affichée, en attendant le passage vers le solaire. Mais en un an et demi, les ouvriers n’ont jamais vu l’ombre d’un panneau. Pourtant, le plan prévoyait une belle montée en charge en 2006 : 841 707 euros pour le 1er semestre, 2 213 464 euros pour le 2e. Conclusion du tribunal : «Le business plan se basait sur des prévisions qui se sont révélées extrêmement irréalistes», puisque sur les quinze premiers mois d’activité après la reprise, le site n’a engrangé que 228 000 euros de chiffre d’affaires.

«Des trous». Et surtout, «il y avait des trous dans la caisse», constate Marcel Hennebelle. Par exemple, le concepteur du business plan, Olivier Walter a touché 800 000 euros d’honoraires «particulièrement élevés», note le tribunal. Il a été condamné à dix-huit mois de prison ferme. Le reste de l’argent a rejoint les comptes de la maison mère, HB Group, située au Luxembourg, des opérations financières que le tribunal a jugées délictueuses. «Ce jugement va nous être d’une aide précieuse dans notre procédure d’appel à Douai», se réjouit Me Fiodor Rilov, l’avocat des anciens salariés de Samsonite. Marcel Hennebelle, sobre : «J’espère que cela fera réfléchir ceux qui seraient tentés par d’autres fausses reprises d’entreprises.»

Stéphanie Maurice