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Amiante : «17.000 morts depuis la première marche»


SANTE – Demain, les veuves et les victimes de l'amiante reprennent leur marche à Dunkerque après plus de trois ans de silence. Elles réclament un procès pénal dans un délai raisonnable. Pierre Pluta, qui dirige l'association régionale, explique.

Quelle est votre histoire avec l'amiante?

Je l'ai découverte par hasard. J'étais ajusteur-mécanicien aux chantiers navals de Dunkerque. Le chantier a fermé en 88. J'avais 42 ans, j'ai cherché du travail. Je me suis inscrit à une formation d'ambulancier, et on m'a fait passer un contrôle pulmonaire. Le médecin est venu me voir avec les résultats: «Monsieur Pluta, vous avez travaillé dans l'amiante». J'ai dit «Non, jamais». Il m'a répondu : «Pourquoi vous dites ça? Vous êtes atteint d'asbestose». Ca s'est arrêté là. En sortant de là, je croyais que j'avais un rhume. Je ne me suis pas rendu compte. C'est plus tard que je suis tombé, dans mes lectures, sur les mots «asbestose» et «amiante», et que j'ai compris que c'était du poison.

Demain, c'est la marche des veuves de l'amiante à Dunkerque pour réclamer un procès pénal de l'amiante dans des délais raisonnables.

Les premières plaintes ont été déposées en 1996, et toujours pas de procès. Et on nous dit aujourd'hui que l'instruction devrait se prolonger jusqu'en 2014. Près de vingt ans après les premières plaintes.

Pourquoi 2014?

Ce sont les trois juges d'instruction du Pôle de santé publique qui disent qu'ils n'ont pas les moyens humains de mener une instruction de qualité dans un délai raisonnable. Ce n'est pas de la mauvaise volonté de leur part. Ils n'ont pas de moyens. Nous nous étions pourtant rendus au ministère de la justice, où la ministre nous avait garanti par écrit que les effectifs seraient suffisants pour instruire la quarantaine de plaintes que nous avons déposées, parmi lesquelles comptent Eternit, les chantiers navals de Dunkerque, Ascométal, et pour lesquels il y a eu des mises en examen.

Ces engagements de la ministre sont la raison pour laquelle nous avions arrêté les marches des veuves. Elles avaient duré de décembre 2004 à janvier 2006, toutes les trois semaines. Or l'engagement n'a pas été tenu. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase, c'est l'annonce de la suppression du Juge d'instruction pour le remplacer par un juge de l'instruction. Pour nous, ça veut dire un enterrement de première classe du procès pénal de l'amiante.

Pourquoi un enterrement de première classe?

Parce que le juge de l'instruction sera un procureur, sous l'autorité du Parquet. Or qui mieux que nous sait que les procureurs n'ont jamais levé le petit doigt? Qui pourra nous faire croire que demain ils feront mieux ou différemment? Ils sont dépendants du pouvoir politique. Le risque, c'est de voir enterrer les dossiers sensibles, ceux de santé publique, et les autres. Demain, à nos côtés, le syndicat de la magistrature défilera aussi, c'est une première nationale.

Combien de morts depuis la première plainte en 1996?

On compte depuis la première marche des veuves, le 15 décembre 2004. Entre cette marche et celle  demain à Dunkerque, il y a eu 17000 morts, empoisonnés par l'amiante en France. Et les statistiques annoncent 100.000 morts dans les deux prochaines décennies.

Vous réclamez un procès pénal de l'amiante, mais il y en a déjà eu au moins un, celui des dirigeants d'Alstom, à Lille, et à Douai.

Il s'agissait de mise en danger de la vie d'autrui. Pour nous, le procès pénal de l'amiante, c'est le procès de tous ceux qui sont responsables, de l 'Etat, aux autorités sanitaires, aux médecins du travail, aux chefs d'entreprises, aux inspecteurs du travail. Le danger de l'amiante est connu depuis 1906. Il est dans le tableau des maladies professionnelles depuis 1945.


Recueilli par Haydée Sabéran

Rendez-vous demain samedi à 14h, devant la stèle érigée en mémoire des victimes de l'amiante, quai des Anglais, à Dunkerque.