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«Que dois-je penser d'une Région socialiste qui donne de l'argent à une multinationale ?»


MUSIQUE - Le Main square festival, avec des subventions ? Manquait plus que cela. Derrière ce festival d'été, qui se tient à Arras, tête d'affiche cette année, Coldplay, il y a Live Nation, «première entreprise mondiale de spectacles sur scène», comme la multinationale se définit elle-même. Chiffre d'affaires 2007 : 4,2 milliards de dollars. Alors, le réseau Raoul, qui rassemble les principales salles de concerts de la région, l'Aéronef à Lille, le Grand Mix à Tourcoing,  demande au Conseil régional et au Conseil général du Pas-de-Calais de revenir sur leurs subventions. Interview de Guillaume Léchevin, président du réseau Raoul et directeur des Quatre Ecluses à Dunkerque, «choqué».

Combien vont donner les deux institutions régionales ?
La région Nord-Pas-de-Calais accorde 100 000 euros de subvention, qui ont été votés. Le Conseil général du Pas-de-Calais devrait voter aujourd'hui une subvention du même montant, d'après mes informations. Nous demandons qu'ils reviennent sur leur décision.

Quelle a été votre réaction en l'apprenant ?
On a été choqué. Je suis sûr du mot.  Le Main square, c'est Live nation, c'est tout simplement la plus grande société d'organisation de spectacles dans le monde. Leur objectif principal, c'est de grossir et de réduire en poussière la concurrence. Qu'une société commerciale ait besoin de se développer, de faire de l'argent, on le comprend, mais où est l'intérêt public là-dedans ? Où sont le respect du public et des artistes ? J'entends le Parti socialiste parler de diversité culturelle, de soutien aux pratiques émergentes, d'accès à la culture pour tous. Et que dois-je penser d'une Région socialiste qui donne de l'argent à une énorme multinationale ?

Que pensez-vous de l'arrivée de Live nation, qui vient de racheter le Main square festival cette année, dans la région, et du coup, en France ?
Live Nation pratique ce qu'on appelle les contrats à 360°. Avant, autour d'un artiste, il y avait une société qui vendait ses disques, une société qui organisait ses spectacles, une société qui gérait ses produits dérivés. Live Nation, lui, contrôle tout. Les artistes, les labels, les lieux. En 2008, il a organisé 33 000 concerts, 170 salles lui appartiennent. Il suffit de regarder ce qui se passe en Belgique : aujourd'hui, 80% des concerts sont organisés par eux. Live Nation, c'est le Mac Do de la culture. Nous, nous sommes pour la diversité culturelle.

Que voulez-vous dire par là ?
La partie la plus visible de notre travail, ce sont nos programmations, où nous affirmons nos choix culturels, nous faisons découvrir des choses, souvent peu relayées dans les médias, nous essayons de développer la curiosité des publics. Nos places sont entre 5 et 20 euros.

Vous ne jouez donc pas dans la même cour que le Main square, avec des stars mondiales, à 60 euros la journée.
Non. Surtout qu'il y a une partie immergée de l'iceberg, nos actions culturelles, les concerts que nous organisons en prison, les nombreux ateliers dans les quartiers en difficulté. Là, Live Nation n'y est pas car cela ne rapporte pas d'argent. Et cela ne brille sans doute pas assez pour certains élus. Pourtant, nous travaillons sur quelque chose de fragile, la transformation des rapports humains. Surtout, nous travaillons sur un territoire donné, on ne peut pas porter le même projet à Dunkerque, à Nice, à Paris, car ce ne sont pas les mêmes populations, les mêmes données économiques, les mêmes organisations urbaines. Le Main square festival, c'est comme un Big Mac, vous mangez le même en Inde et en France. Ce festival, il est posé à Arras comme il pourrait être posé partout ailleurs.

La réponse de Bernard Roman, premier vice-président du Conseil régional Nord Pas-de-Calais, chargé des finances.

«Nous finançons la ville d'Arras et la communauté urbaine, nous ne finançons pas le Main square festival, qui n'a pas besoin de nous. Le Main square festival est devenu un véritable événement l'été dans notre région. Nous avons été sollicités par la ville d'Arras pour participer au budget d'accompagnement du festival. En particulier pour des places gratuites pour les jeunes d'Arras, et des réductions de tarifs pour les lycéens. Nous aidons également à la mise en place de transports gratuits ces jours-là, ainsi qu'à la gestion de l'hygiène et des déchets sur le festival. Ce qui n'empêche pas que nous soyons à côté d'autres artistes. La Région finance toutes les salles du réseau Raoul. De notre point de vue, nous agissons en complémentarité de ce que nous faisons pour ces salles.»

Recueilli par Stéphanie Maurice