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Toyota : de la grève en général et de l'extrême-gauche en particulier


POLITIQUE - Dans le journal du jour, Libération s'est posé la question de l'influence réelle de l'extrême-gauche sur les derniers conflits sociaux. Exemple à Toyota-Onnaing, en avril, où Olivier Besancenot et Arlette Laguiller sont venus donner de la voix lors d'un barbecue devant l'usine. Où il ressort que c'est moins l'extrême-gauche qui a déclenché la grève que le ras-le-bol

On ne fait pas grève à Toyota, en général. Pourtant, son site français a connu sa première, en avril. Minoritaire -un ouvrier sur neuf au plus fort de la grève-, elle a tenu 14 jours, dont quatre de blocage. Deux syndicats, Force ouvrière et la CGT, majoritaires à eux deux, appelaient à la grève. Avec, à la tête de la CGT, pas n'importe qui : Eric Pecqueur, tête de liste de Lutte Ouvrière aux européennes

Tract. Avec son bonnet de marin, ses lunettes et sa voix tranquille de baryton, ce «team leader», chef d'équipe dans le jargon toyotiste, est le grain de sable dans la machine. Ce nordiste de 42 ans, embauché en 2000, après une année de fac ratée et treize d'intérim, fils et petit-fils de militants communistes et cégétistes, ne se considère pourtant pas comme le déclencheur de la grève, même s'il y a appelé, plusieurs fois, par tract. Pour lui, c'est C'est Didier Leroy le PDG du site, muté il y a quelques jours, «quand il a dit «plutôt crever que de payer le chômage partiel à 100%»». Les ouvriers ont presque eu gain de cause : ils toucheront 95% du net, et leurs jours de grève, non payés, seront étalés sur l'année, à raison d'un jour par mois.

Douleurs. La grève aurait-elle eu lieu sans le «militant trotskiste révolutionnaire» Pecqueur? Ce qui est sûr, c'est que depuis des années, une partie des ouvriers se plaint de la pression des chefs. Une phrase revient : «Il y avait plus de respect à l'époque des Japonais». Traduire : «à l'époque où les cadres étaient japonais». La pression sur les corps, les douleurs, les troubles musculo-squelettiques, sont fréquents. Le salaire de base, lui, tourne autour de 1200 euros. Alors, fin mars, quand on annonce jusqu'à 300 euros en moins par mois pour chômage partiel, dans les ateliers, ça coince.

«Members». Au contraire, Djamel Djebara, militant CFDT, syndicat minoritaire, qui n'a pas appelé à la grève, pense qu'Eric Pecqueur est «le principal artisan» de la grève. «Dans les trois tracts qui ont précédé le mouvement, il appelait à la grève. Il était toujours en tête de cortège». Il ajoute, remonté : «Quand il est dans l'usine, il ne s'occupe pas des problèmes des members (salariés, ndlr), je ne vois pas comment il s'en occuperait s'il était député européen».

La direction, elle, n'a «aucun commentaire» sur le rôle d'Eric Pecqueur, mais a fait passer le message dans un discours -retranscrit par la direction, à usage interne- de Toshiyuki Nonaka, vice président de Toyota Motor Manufacturing France, devant le comité de grève, le 14 avril : «M. Pecqueur, vous êtes satisfait n'est-ce pas? Vous avez réussi à faire tenir la grève une semaine, vous êtes passé à la télévision et dans les journaux. C'est bon pour votre campagne (...). Votre carrière progresse bien, au sein du syndicat et surtout dans le monde politique». Il ajoute : «Pour M. Cambier (Fabrice Cambier, le délégué FO, ndlr), c'est moins bien. Visiblement, votre direction nationale est en désaccord avec votre action. Votre avenir au sein de FO est-il assuré? Finalement, il n'y a qu'à la CGT que cette grève profite».

Cadences. Le militant Pecqueur a-t-il influencé la grève? «Bien sûr», répond l'intéressé. «On a cherché à ce que les gens prennent en main leur grève». Les grévistes votaient chaque jour, ont élu un comité de grève. Eric Pecqueur indique qu'il a poussé les non-syndiqués, et notamment les femmes, minoritaires dans l'usine, à y participer. Sur le fond des revendications, il est plus en retrait, question de principe. «Je ne suis pas pour le chômage partiel. Une partie est versée par l'Etat.. Il fallait ralentir les cadences, prendre sur les bénéfices». 

Loïc, gréviste du premier jour, mais non-syndiqué, a même trouvé le syndicaliste d'extrême-gauche plutôt «canalisateur», quand les esprits s'échauffaient. Quand il s'est agi de décider le blocage, «il était contre, mais il s'est rangé à la majorité».

Haydée Sabéran

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Photo Pascal Rossignol, Reuters (Olivier Besancenot, du NPA, devant les grévistes de Toyota, le 16 avril, à Onnaing)