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Le fantôme de Fajardie sur le terril de Metaleurop


CULTURE - Sur les lieux de l'ancienne usine Metaleurop Nord à Noyelles-Godault, randonnée-lecture des Paroles ouvrières, de Frédéric Fajardie, mort le 1er mai dernier, et parrain du Salon du livre de critique sociale d'Arras. Ils sont une poignée, allongés dans les pâquerettes au pied du «».

Tribune. L'ancienne maison de maître servait de bureaux à l'ancienne fonderie de plomb, liquidée avec ses 800 ouvriers en 2003. Sur l'escalier qui sert de tribune -d'où le délégué CGT Farid Ramou s'était adressé aux salariés- un seul ancien de l'usine est venu, Jean-Louis Martin, ingénieur. Depuis la fermeture, quelque 300 anciens salariés n'ont jamais retrouvé de travail, 22 travaillent sur le nouveau site.

L'usine polluée a été transformée en site de recyclage de voitures, de palettes et de déchets, Sita Agora. Ca fait sourire Joël Leroy, qui a écrit un polar sur Fajardie : «quand on rénove les centre-ville aussi, on leur donne des noms, on efface le passé», il ajoute que «ce que le capitalisme a détruit, il a reconstruit, il nous vendra la corde pour nous pendre ». 

Fajardie était là au printemps, 2003 pendant la bagarre des Metaleurop pour survivre puis partir avec le maximum alors que Glencore, l'actionnaire principal, les laissait sans rien. Les gars mettaient le feu à des chariots élévateurs, menaçaient de jeter de l'acide dans le canal, balançaient des pains de sodium dans l'eau, ce qui provoquait des mini explosions.

Cantine. L'écrivain a interviewé des ouvriers, et couché sur le papier leur témoignage (1). «S'il y a eu une chose positive dans cette histoire, dit Jean-Louis Martin, l'ancien de Metaleurop qui est  venu, c'est la rencontre avec Frédéric. Il y a eu un coup de foudre, une déclaration d'amour pour le Nord-Pas-de-Calais et le monde ouvrier. Le monde ouvrier est quasiment absent des médias. Les politiques, à part des élus locaux, ne le représentent pas non plus. On est fier d'appartenir à la classe ouvrière, où on vit en même temps la souffrance et l'amour du travail bien fait».

Un comédien lit un extrait de Fajardie, où il raconte l'ambiance dans la cantine, pendant l'occupation de l'usine, les femmes aux sandwiches et la banderole derrière elles : «Courage les mecs, les femmes sont avec vous».

Table rase. Sous le soleil, on escalade le terril par le chemin qui colimaçonne autour. D'en haut, on voit le site de l'usine. Elle a été presque totalement rasée. Jérôme Leroy lit une lettre de Fajardie à son petit-fils, où il s'imagine vieux dans un monde débarrassé du capitalisme et du stalinisme. Il rêve : «les derniers capitalistes ont fui sur des bateaux appelés "Mc Do" "Pepsi Cola" et "Weight Watchers"». Jean-Louis Martin regarde son ancienne usine. Il déplore la destruction de la tour à plomb de chasse, chef d'oeuvre de l'architecture des années 20. «Il ne reste rien du passé. "Du passé faisons table rase", c'est un peu dommage».

Haydée Sabéran

(1) Metaleurop Paroles ouvrières, Mille et une nuits, 2003.

SALON - Le salon du livre d'expression populaire et de critique sociale continue vendredi 1er mai et samedi 2 mai. Le programme .

ARCHIVES - Lire aussi sur LibéLille, des paroles d'ex-Metaleurop le jour de la visite de Nicolas Sarkozy sur le site : (Février 2008)