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Lille, Auchel, Dunkerque : pourquoi je manifeste


COLERE - Enseignante à Lille, ouvrier à Auchel, éducateur à Dunkerque, ils font grève, ou manifestent, ou les deux. Ils expliquent pourquoi.

«La population est de plus en plus abimée»

Yves Cordier, éducateur spécialisé, secrétaire du syndicat CGT de l'action sociale, à Dunkerque. Il manifeste à Dunkerque, à 15h, Place Jean Bart. «Nous aussi, on appartient au monde du travail. Les conditions sont de plus en plus difficiles. La population est de plus en plus abimée, les gamins à qui on a affaire sont explosés. Des ados qui n'ont jamais vu leurs parents travailler et qui nous disent "ça ne sert à rien que je travaille à l'école, je n'aurai pas de boulot en sortant". Avant, ces jeunes là devenaient soudeurs qualifiés sur un chantier naval par exemple, et ils finissaient par gagner plus que leur éducateur. Il y avait du travail. Maintenant, c'est la désespérance, la toxicomanie. On doit continuer à construire des projets avec eux. C'est dans ce contexte qu'on s'attaque à notre statut, au nom d'une idéologie libérale. On travaille jusque 23h, 23h30 parfois, et un week-end sur trois. Le boulot nous suit, dans la tête, à la maison. Et on remet en cause notre convention collective. Dans la convention que nos patrons tentent de nous imposer, nos salaires, qui passent aujourd'hui de 1300 à 2400 euros en fin de carrière grâce à l'ancienneté, seraient limités à 1700 euros. Ensuite, le diplôme d'éducateur ne suffirait plus pour devenir éducateur, et donc toucher le salaire qui va avec. On ferait entrer des critères subjectifs d'«initiative» de «responsabilité». On se bat. On a fait grève quatre jours et on a réussi à prolonger la négociation jusqu'en juin. On ne demande rien, pas une augmentation de salaire. Juste qu'on nous donne les moyens de travailler, pour apporter une réponse aux gamins».

«J'ai voté Sarkozy»

Michel Dautriche, chef d'équipe chez Faurecia, équipementier automobile. Il bloque son usine à Auchel depuis quinze jours. «Je n'irai pas à la manif', il faut qu'on bloque les portes ici. Je n'ai pas honte de le dire, j'ai voté Sarkozy. Et j'ai même dit à mes fils, lycéens, de ne pas faire grève aujourd'hui. Je sais, ça peut paraître contradictoire. Moi, je n'ai jamais débrayé de ma vie, ce n'est pas la mentalité chez moi, une famille de mineurs et de militaires. Mais il faut sortir quand c'est pour de bonnes causes. Ici, on nous assassine. Quand on voit les paradis fiscaux, les gens qui partent avec des primes faramineuses... Les gens qui continuent à s'engraisser, ce sont toujours les mêmes. Et ce sont toujours les mêmes qui sont obligés de faire des efforts. Regardez le pain, il a augmenté de 30 centimes. On sait bien qu'il y a eu la baisse des matières premières. Le pain, il n'a baissé que de cinq centimes. Ils se baladent où, les 25 centimes supplémentaires ? Moi, maintenant, je n'ai plus d'opinion politique. Ni droite, ni gauche, ni extrême-droite, ni extrême-gauche. On en a ras-le-bol.»

«On sent la casse du service public»

Marie, conseillère pédagogique à l'école primaire, à Lille. Elle manifeste à 14h30, boulevard de la Liberté (1). «D'abord les Rased (Réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté. Le ministère a d'abord voulu les supprimer, puis annonce en conserver la moitié, ndlr). On en a besoin partout, et il en manque, alors que la réforme n'est pas encore passée. Certains Réseaux ambition réussite n'ont même pas de maîtres spécialisés. Des enfants en difficulté, il y en aura toujours, y compris dans les milieux favorisés. L'aide individuelle ne peut pas se substituer au travail de maîtres qui ont été formés pendant un an pour répondre aux difficultés des élèves. Une partie d'entre eux seront devant une classe, et auront un rôle de conseil des collègues sur l'aide personnalisée. Mais une classe, c'est un temps plein. Ensuite la formation. Dans les années à venir, de nombreux stages sont supprimés, remplacés par des heures de formation à l'animation pédagogique. Il y a aussi la formation des maîtres. Une partie de mon travail consiste à suivre les jeunes enseignants dans les classes, les premières années. On se pose des questions avec la fermeture des Instituts universitaires de formation des maîtres et la «masterisation».  On se demande qui va former les maîtres de l'école élémentaire, et comment. il faut des gens pluridisciplinaires pour enseigner tous les domaines aux enfants. On sent la casse du service public. Et puis il y a le mépris du ministre, ça ne rend pas le climat de travail serein.»

Propos recueillis par Stéphanie Maurice et Haydée Sabéran

(1) Le prénom a été modifié