Comparateur de rachat de crédit

Au Mexique, le cri de l'innocence


MONDE - Ses mains déplient le papier de la sentence. Mardi après-midi, dans la cour de la prison pour femmes de Tepepan, à Mexico, la Française de 34 ans survole l’amas de termes juridiques jusqu’à percuter les deux mots fatidiques : «Culpabilité confirmée.» Pour Florence Cassez, le coup de massue ne pouvait pas être plus violent. «Ma vie est foutue», soupire la jeune femme reconnue en appel une nouvelle fois coupable d’enlèvements et de possession d’armes

La sentence, qui réduit sa peine de quatre-vingt-seize ans à soixante ans de réclusion, efface seulement les charges relatives au kidnapping d’un homme qui n’a jamais été enlevé. Il y a un an, le procès expéditif en première instance n’avait même pas relevé l’inexistence de ce délit. Dans le cas de Florence Cassez, les juges ne se sont jamais encombrés de scrupules quant à l’absence de preuves : vide au départ, son dossier est maladroitement bourré de faux témoignages et d’indices fabriqués de toutes pièces.

Spectaculaire. La Française a eu le malheur de s’impliquer sentimentalement avec le Mexicain Israel Vallarta, auteur d’enlèvements, un homme qui n’a cessé d’affirmer qu’elle ignorait tout de ses activités criminelles. Leur histoire ne dure pas mais elle se trouve malencontreusement en compagnie de Vallarta lorsque celui-ci est arrêté, en décembre 2005. A cette époque, conspuées par l’opinion publique pour leur incapacité à contenir la vague d’agressions violentes et d’enlèvements contre rançons, les autorités mexicaines cherchent désespérément une arrestation spectaculaire. Florence Cassez est embarquée dans le tas et présentée comme une membre active d’un dangereux groupe de kidpnappeurs, la «bande du Zodiac».

Immédiatement, les témoignages l’innocentent : aucune des trois victimes ne reconnaît cette rousse charismatique à la chevelure foisonnante, si typée qu’il lui est impossible de passer inaperçue au Mexique. Avec pour seule arme son franc-parler ravageur, elle défie, depuis sa prison, les responsables politiques qui ont mis en scène son arrestation face aux caméras de télévision, plus de vingt-quatre heures après son interpellation réelle. Par téléphone, elle intervient en direct lors d’un talk-show et humilie l’actuel ministre de la Sécurité publique, Genaro Garcia Luna, présent sur le plateau, en exposant méthodiquement chaque incohérence de son dossier. S’ensuit une spirale irréversible : les victimes sont «mises à l’abri» aux Etats-Unis et, soumises à d’obscures pressions, elles modifient leurs témoignages de façon invraisemblable pour accabler la jeune Française.

«A bout de force». Trois ans et demi plus tard, Florence Cassez est sous le choc de cette sentence d’appel qui taille en pièces ses espoirs de libération. Le système judiciaire mexicain prévoit encore une possibilité d’amparo, un examen complet du dossier par trois nouveaux magistrats. Mais après avoir supporté les coups des policiers au début de son incarcération, elle doit aujourd’hui affronter les ravages que provoque le stress sur sa santé. «Je ne vais pas tenir le coup. On me croit forte mais je suis à bout de force. Je pensais que la justice mexicaine allait saisir cette chance de faire éclater la vérité, de reconnaître, enfin, après trois ans et demi de calvaire, mon innocence. Mais non, au lieu de cela, ils s’obstinent à me condamner», soupire la jeune femme. Franck Berton, l’avocat français qui l’a prise en main depuis sa condamnation en première instance, dénonce «une honte, un scandale» alors qu’il met sur pied une nouvelle campagne de mobilisation pour sauver sa cliente.

«Maintenant, le seul espoir qui me reste s’appelle Nicolas Sarkozy», clame la jeune Française. Le Président s’était montré sensible au sort de la prisonnière, en recevant ses parents à l’Elysée en mai. Le gouvernement avait alors affirmé suivre attentivement son cas. Sarkozy sera en visite officielle au Mexique dès dimanche. Les parents de Florence Cassez implorent une intervention express du chef de l’Etat en faveur de leur fille. Et ils demandent à Carla Bruni de lui rendre visite en prison, conscients, sans doute, du fait qu’elle ne pourra rester insensible au sort de cette jeune femme qui clame son innocence.

Emmanuelle Steels (correspondante à Mexico)

A Lille :  «l'affront»

«Jusqu’à aujourd’hui, elle était forte, j’espère qu’elle le restera. Elle va se battre.» C’est le père de Florence Cassez qui parle, hier à Lille. Bernard Cassez demande à Carla Bruni de rendre visite à sa fille et dit attendre «beaucoup» de la visite présidentielle dimanche au Mexique. «Ça se passera entre les deux présidents, il faut qu’ils s’entendent. C’est un problème d’hommes, face à face.» Son avocat, Me Franck Berton qualifie la décision d’appel d’«affront à l’égard de la France» et rappelle que «depuis onze mois, Florence attend seule dans sa prison une décision. Elle n’a jamais rencontré son juge».

H.S.

A Paris : un cas délicat pour Sarkozy

Profil bas. Nicolas Sarkozy qui effectue à partir de dimanche une visite d’Etat au Mexique ne souhaite pas que le cas Florence Cassez pollue son voyage, déjà reporté à deux reprises. Il évoquera avec Felipe Calderón, son homologue mexicain, la détention de la Française pour tenter d’obtenir son transfert en France mais ne lui demandera pas d’user de son droit de grâce. Pour ne pas froisser les Mexicains, Carla Bruni - qui accompagne son époux à Mexico - ne rendra pas visite en prison à Florence Cassez, comme plusieurs parlementaires français le suggéraient.

L’Elysée ne se désintéresse pas du cas Cassez mais marche sur des œufs dans cette affaire. En raison de l’implication personnelle du ministre de la Sécurité publique (un protégé de Calderón) dans l’interpellation de la Française, Paris estime qu’il ne faut surtout pas brusquer la partie mexicaine. Demander à Calderón de gracier Florence Cassez, revient à lui faire désavouer un de ses ministres. Impensable pour le président mexicain qui a, de fait, couvert toute la mise en scène, l’enquête et la procédure qui ont conduit à la condamnation de Florence Cassez.

En contact avec sa famille et ses défenseurs, l’Elysée cherche à les convaincre de stopper le processus judiciaire au Mexique en renonçant à se pourvoir en cassation. Car s’ils s’en tiennent là, Paris espère alors pouvoir faire jouer «des dispositions prévues entre les deux pays», selon un conseiller de Nicolas Sarkozy, qui permettent d’obtenir un transfert en France de la prisonnière pour purger sa peine. C’est alors Nicolas Sarkozy qui pourrait user de son droit de grâce ou aménager la peine de Florence Cassez par une libération anticipée.

Antoine Guiral