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«Sont beaux, sont frais, mes enseignants-chercheurs!»


EDUCATION - Midi, devant la Vieille Bourse à Lille. Un étudiant, faux commissaire-priseur, vend ses profs, et ses petits camarades thésards. «Ils sont beaux mes enseignants-chercheurs! Ils sont beaux, il sont frais, ils sont bon marché!»  Les voitures passent, quelques piétons s'arrêtent. Une grosse centaine d'enseignants et étudiants de Lille 2 et Lille 1 achètent aux enchères des humains devant la Vieille Bourse de Lille pour protester contre le décret Pécresse sur les universités, la loi Liberté et responsabilité des universités, LRU, et la «marchandisation du savoir».

Corde. Le commissaire priseur, c'est Pierre-André, étudiant en droit, noeud-pap et gominé en arrière. En face de lui, les «lots». Gens alignés, pancarte autour du cou, attachés les uns aux autres par une corde. Ils défilent un par un. La première s'avance, cheveux longs, casquette, sourire : «Alors voilà, je suis enseignant-chercheur en sciences politiques. Je vous propose de développer votre sens critique. Je pense que le champ scientifique et universitaire doit rester indépendant du pouvoir politique.»  Elle n'a pas encore fini, mais la foule des profs et des étudiants : «Hooooooou!», «Communiste!», «Benchmarker, c'est la santé!» Elle s'en va, penaude.

Voilà un grand maigrichon timide, il s'excuse presque, il est prof de grec ancien. Reconnaît que le grec, ça ne rapporte pas «à court terme», mais pense que «ça permet de réfléchir» souffle que c'est «beaucoup de stimulation intellectuelle». Il a l'air un peu éprouvé par l'exercice. En face, on ne le loupe pas : «sert à rien!» «Pas compétitif!».

Cerveau. Encore un grand. Celui-là, il a des lunettes noires et une casquette de base-ball. Et il frime : «je suis professeur de marketing!» La foule en délire : «Ouaaaaaaais!». Il a fait sa thèse sur «les jeux télévisés et le temps de cerveau disponible de la ménagère de moins de 50 ans». «Ouaaaaaais!» Il parle de «parts de marché» et de «benchmarking». Il assure qu'il n'est «pas syndiqué». Pense qu'il vaut «très cher». Applaudissements. Ah, justement, voici le «Président directeur-général de l'université du Très Très grand Lille», il pense qu'il faut «acheter» ce chercheur, qui va «nous faire gagner plus de 200 places dans le classement de Shanghai (un classement mondial des universités, ndlr)». Extase de la foule. Mais comme ça coûte cher, il propose un «partenariat public privé».

Dollars. Une petite étudiante en béret rouge prépare une thèse sur «la domination masculine». La foule : «ça n'existe pas!»; «Retourne à la cuisine!»; «Atteinte au bon sens!» Un prof de sport promet qu'il ne «sait pas lire et écrire» et veut «vendre du rêve». Une étudiante, rouge à lèvres et lunettes noires, sac à main au coude auto-proclamée  «pétasse» des liasses de faux billets de 100 dollars à la main, à l'effigie de Nicolas Sarkozy et Valérie Pécresse, «J'achète!»

Les enchères montent pour le chercheur en marketing. L'étudiante au béret rouge change de sujet de thèse pour étudier «les pulsions d'achat chez la pré-adolescente». Du coup, le PDG de «Ethic-Lipstick» (sic) veut  financer ses recherches. Un texan propose une «joint venture» au président de la fac pour installer un fast-food sur le campus. Un faux Sarkozy déboule et tance le chercheur en littérature grecque : «l'Etat n'a pas à payer vos aspirations farfelues! Je demande votre licenciement immédiat

Deux vacataires précaires s'écharpent pour obtenir un poste «pourri». Ils s'arrachent le mégaphone des mains. Le premier est «prêt à bosser à poil sans bureau, à corriger 600 copies de plus par semaine». La seconde paiera ses «billets de train» pour quelques heures au diable Vauvert. La foule : «A la poubelle!» Un prof de droit constitutionnel. «Ca sert à rien!» ; «Vive le droit privé!»; «A la poubelle!» Il veut étudier «les rapports entre les pouvoirs, définir les limites des pouvoirs du  président de la République». La foule : «subversif!» ; «gauchiste!»

C'est fini. Le faux président de la fac explique que c'était «une caricature proche de la réalité», contre  «le décret et les réformes en cours», et «la marchandisation du savoir». Le commissaire priseur avoue qu'il touche  «15% de commission», et propose une prochaine vente au enchères sur les «concepts. Par exemple, la liberté d'enseigner, la démocratie, euh... ». Dans la foule : «ça sert à rien!»

Demain, 14h30, manif au départ de la Porte de Paris à Lille. En référence aux récentes déclarations de la ministre Valérie Pécresse à l'assemblée, la manif a été baptisée .

Haydée Sabéran

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