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Nono, «accorhédoniste» du Swing Gadjé


ANNIVERSAIRE - La compagnie du Tire Laine, elle s'est montée comme un coup de bluff, dans les années 90, pour faire la nique à la culture installée. "Nous, les musiciens, on était considéré comme des merdeux, qu'on payait avec des sandwichs au pâté et des bières", soutient Arnaud Van Lancker, créateur et âme de l'aventure.  Petit temps d'arrêt. "Tire Laine, c'étaient les voleurs de manteaux au Moyen-Age, qui les redonnaient aux pauvres."  Ils n'étaient que peu, deux ou trois, aujourd'hui, ils sont un collectif de soixante personnes. Et Swing Gadjé, le groupe étendard de la compagnie, fête ses quinze ans à l'Aéronef.

On ne l'appelle que Nono, à Lille. Belle gueule de marlou. Avec un côté archétype de la gouaille populo, qui travaille sa légende "accorhédoniste" au corps à corps avec son piano à bretelles. Mais qui joue du tzigane. Fini la Java Bleue de l'enfance. Ne jamais faire l'erreur de le limiter à son folklore : sa petite entreprise, qui crée à tire larigot des orchestres à géométrie variable et de qualité, est rentable. Sans toucher des masses de subventions : "5% de notre chiffre d'affaires", plastronne le patron. Les rentiers de la culture, il déteste : "J'ai une vision différente de l'argent. Pour moi, faut gagner du pognon pour bouffer et payer son loyer, pas pour s'en mettre plein les fouilles."

Il reçoit, entouré de ses musiciens, des vieux de la vieille et des jeunots mêlés, parce qu'il ne faut pas parler que de lui. "Et toi, qu'est-ce que tu en dis ?", lance-t-il aux plus taiseux. Les clopes se fument, les cafés se boivent, Wazemmes se raconte. Quartier ouvrier de Lille qui ne l'est plus. "A 12 ans, j'ai commencé dans les bars, j'étais un mauvais accordéonniste, je le suis toujours d'ailleurs.Ca payait les coups. Je jouais au 421, aujourd'hui le Guapa bar. On était ferrailleur, alors le patron avait négocié un autocollant grand comme ça pour sa pub qu'on avait collé sur le camion. En échange, j'avais un repas une fois par mois." C'était le temps de la Java bleue à longueur de soufflets, qui rapportait plus que Les yeux noirs, chanson russe posée sur mélodie tzigane. Pourtant, c'est vers là qu'il va, vers l'univers manouche et rom, vers les gens du voyage. Pourquoi ? Il esquive. "Je suis un Français né à Wazemmes." Foulard kurde autour du cou, accordéoniste romanichel, il travaille sur l'adaptation du Golem, légende juive. Les étiquettes communautaristes, c'est l'échappée belle. Fidèle à Wazemmes, en somme, "ce fourre-tout culturel et social", dit-il."On s'en fout d'où tu viens, c'est sur de l'humain qu'on se rencontre." Et qu'on joue.

S.M.

Photo : Hervé Leteneur

Les 15 ans de Swing Gadjé, avec la Rue Ketanou, Marcel et son Orchestre, les Barbarins Fourchus, à l'Aéronef, 20h30, samedi 14 février. 10 euros, tarif unique.