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Procureur : la fin des repas aux migrants «sert l'intérêt des passeurs»


SOCIÉTÉ - Limiter la distribution de repas aux migrants, à Calais, c'est donner l'occasion aux passeurs de renforcer leur pouvoir. C'est l'opinion de Gérald Lesigne, procureur de Boulogne-sur-Mer, juste avant qu'il ne parte pour ses nouvelles fonctions, à la cour d'appel de Caen.  Depuis hier, le collectif C'sur a cessé la distribution du midi, pour mettre les pouvoirs publics devant leurs responsabilités. Les repas continuent à être délivrés par l'association Salam,

Pourquoi l'arrêt de la distribution des repas le midi vous inquiète-t-il ?
Gérald Lesigne - Cela vient renforcer la tension, à cause de cette relative pénurie. Les gens sont prêts à patienter plus longtemps quand les conditions d'existence sont garanties, quand ont peut se fournir en nourriture à proximité. Ce climat, où il peut y avoir des batailles de la nourriture, où les gens essayent de sauver leur peau, chacun pour soi, sert les intérêts des passeurs. Les gens vont vouloir passer plus vite en Angleterre, c'est un motif de surenchère de prix.Les mafias vont utiliser ce contexte pour accentuer leur emprise sur les différentes populations présentes.

Comment ces mafias fonctionnent-elles ?
Chacun sait qu'il y a des petits groupes qui cherchent à imposer leur autorité à d'autres ethnies. A Calais, les passeurs afghans n'autorisent pas l'accès aux zones d'embarquement aux Africains sans qu'ils passent sous leurs fourches caudines. Ils font payer un droit de passage, et la prestation de service peut aller jusqu'à l'embarquement dans un camion. C'est assez problématique, l'existence de ces guichets.

Le contexte actuel est difficile, avec l'augmentation du nombre de migrants dans les rues de Calais...
On constate une montée de la violence ces derniers temps. Par exemple, ces derniers mois, nous avons eu quatre ou cinq affaires d'agressions de chauffeurs routiers à coups de couteau. Avant, ces incidents arrivaient quand les chauffeurs avaient un comportement agressif. Là, ils sont pris à parti, parfois blessés sévèrement, avec une violence presque gratuite. Cela traduit une prise d'autorité de la part des passeurs à l'égard des chauffeurs routiers.
Il y a aussi un durcissement des tensions de la part de ces petits groupes [mafieux, ndlr] qui essaient de faire la loi. C'est une dérive préoccupante. Pour moi, tous les migrants ont le droit à la sécurité sur le territoire français. Ils ne sont peut-être pas en règle, mais on ne peut pas imaginer qu'il y ait dans la République française des populations dignes d'intérêt et d'autres dont on pourrait brader la sécurité. Sinon, c'est une balkanisation du territoire qui s'approche.

Recueilli par Stéphanie Maurice

Lire aussi l'interview de l'Abbé Boutoille, du C'Sur,

Et l'interview de Jean-Claude Lenoir, de Salam, sur ses déboires avec... le Parquet de Boulogne sur mer, dans