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Mort d'un jardinier, on a dégusté


LITTÉRATURE - Lucien Suel, c'est d'abord une régalade de mots. Longtemps, on l'a surtout entendu, lectures réjouissantes de ses poésies, où les rimes flirtaient avec les onomatopées, où le patois bousculait le français établi. Il a beau être un fou de la Beat generation, Kerouac, Burroughs, on y trouvait plutôt un goût d'Oulipo, à la Queneau. On avait pris l'habitude d'acheter ses recueils, publiés à compte d'auteur ou chez des petits éditeurs amis. Et puis voilà qu'à la soixantaine éclose, il sort son premier roman, et dans une grande maison d'édition, la Table Ronde. Il le présente ce soir, son Mort d'un jardinier, à la librairie le Bateau Livre, à Lille. Rencontre. LITTÉRATURE - Lucien Suel, c'est d'abord une régalade de mots. Longtemps, on l'a surtout entendu, lectures réjouissantes de ses poésies, où les rimes flirtaient avec les onomatopées, où le patois bousculait le français établi. Il a beau être un fou de la Beat generation, Kerouac, Burroughs, on y trouvait plutôt un goût d'Oulipo, à la Queneau. On avait pris l'habitude d'acheter ses recueils, publiés à compte d'auteur ou chez des petits éditeurs amis. Et puis voilà qu'à la soixantaine éclose, il sort son premier roman, et dans une grande maison d'édition, la Table Ronde. Il le présente ce soir, son Mort d'un jardinier, à la librairie le Bateau Livre, à Lille.

Pour son premier roman, c'est sa mort qu'il imagine, une crise cardiaque dans son jardin ; c'est un art de vie qu'il raconte. "Tu ressembles à un bébé abandonné au milieu des légumes entre les choux  et les poireaux", et il retresse le fil de sa vie au long de son agonie, sait vous dire le goût de la terre, le plaisir des semailles, la fragilité d'un coeur de rouge-gorge qu'on sent battre sous les doigts. "C'est une idée que j'avais depuis longtemps", jubile-t-il, ses yeux en pétillent derrière le verre des lunettes. "J'ai participé à une enquête où on me demandait, comment souhaitez-vous mourir ? J'ai répondu : 1- je ne souhaitais pas mourir. 2- s'il fallait mourir, de ravissement au milieu de mon jardin."
Il est là, le jardin, un potager en pente, en fin fond de terre flamande, Isbergues n'est pas très loin. "Tu picores les groseilles penché vers l'arbuste comme un gros oiseau saisissant directement entre tes lèvres les grappes à même la branche", il suffit de lire pour qu'il existe, et Lucien Suel aussi, pas du tout mort et même "en parfaite santé", tient-il à préciser. Qu'on ne l'enterre pas avec son premier roman, hein, surtout qu'il en écrit déjà un deuxième. Il a pris goût à la longueur, dit-il, et "pour moi, le roman est une nouvelle forme poétique." Et le jardin, "une métaphore du monde." "Tu es en contact avec le cosmos, tu es sous le soleil. Tu peux répéter des gestes qui ont été fait par des gens morts il y a des centaines d'années. Et tu écris dans la terre. Tu traces des lignes, tu sèmes de la gauche vers la droite, comme l'écriture." Puis il se marre, pirouette. "Bon, pendant mon adolescence, je préférais aller dans les dancings."
Car l'homme ne se résume pas à son jardin : il aime le rock, Patti Smith, Rolling Stones, mais aussi le punk, il a dirigé une revue, The Starscrewer, où il publiait des poèmes de Bukowski ou de Burroughs, mais aussi les paroles des Clash ou des Sex Pistols. Contre-culture assumée. Mais il ne crache pas sur le bonheur d'avoir été choisi par La Table Ronde, sur un manuscrit envoyé par la poste. Il raconte encore une fois le coup de téléphone, "c'est un texte magnifique, on va l'éditer", il savoure la phrase formule magique, comme les gosses qui gardent au coin d'une joue le bonbon, pour que le plaisir dure plus longtemps. C'est ce qu'on ferait volontiers de son livre. Ou on le picorerait, comme les groseilles.

Mort d'un jardinier, Lucien Suel. Edition La Table Ronde, 17 euros.
Lucien Suel sera présent ce soir à 18h au Bateau Livre, 154 rue Gambetta à Lille et dimanche 14 décembre au festival Escales Hivernales à la CCI de Lille.

Stéphanie Maurice