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Victimes du fauteuil vénéneux


SOCIETE- «C’est dans ce fauteuil que mon mari était le mieux, il était tellement moelleux. On s’y enfonçait comme dans les couettes de grand-mère», se souvient Odette Lemoine. Mais le fauteuil de relaxation, acheté chez Conforama, lui a brûlé le dos. En cause, le dimethyl fumarate, un antifongique, contenu dans des petits sachets blancs.

Samedi, 66 des 533 victimes des «fauteuils maudits», réunies en association, ont tenu leur assemblée générale à Villeneuve-d’Ascq, en présence du numéro deux de Conforama, Olivier Rigaudy. Ils ne se satisfont pas des mesures prises par la chaîne d’ameublement. «On ne mesure pas la gravité des cas, insiste Me Tillie, l’avocat des victimes. Ce sont en fait des brûlures de contact. Le dimethyl fumarate est un composé volatil, qui devient gazeux à la chaleur, et la chaleur c’est vous quand vous vous asseyez dedans.»

Eczéma. Dans l’affaire Etam, début novembre, il s’agissait du même produit, pourtant le sachet blanc s’enlève avant d’enfiler les bottes. Mais le dimethyl fumarate avait contaminé l’intérieur, et provoqué des réactions cutanées allergiques. L’enseigne a dû rappeler quatorze sortes de chaussures. Chez Conforama, dix-sept produits sont concernés. Les fauteuils ou canapés contenaient jusqu’à dix sachets de dimethyl fumarate, insérés dans le rembourrage. «Nous ne le savions pas, nous l’avons découvert en éventrant les fauteuils», explique Isabelle Hoppenot, directrice de la communication de Conforama. «L’affaire commence pour nous au mois de juin, quand un dermatologue de Strasbourg est venu dire à un vendeur qu’un de ses patients souffrait d’eczéma à cause d’un de nos fauteuils de relaxation.» Le groupe réagit rapidement, récupère le fauteuil présumé coupable pour analyse et se rend à l’évidence. «Notre fournisseur chinois nous a expliqué qu’il avait ajouté ces sachets en raison de la mousson, pour éviter la moisissure pendant le transport.»

Le 18 juillet, Conforama envoie un courrier aux 47 000 clients concernés. C’est à ce moment-là que la majorité des personnes touchées découvrent l’origine de leur calvaire. Odette Lemoine témoigne : «Mon mari s’est levé du fauteuil, qu’on avait acheté quinze jours avant, en octobre 2007, il portait un gros pull en laine d’Ecosse. Je lui ai dit, c’est bizarre, tu es trempé dans le dos. J’ai regardé, il avait une plaie de la grosseur de la main, et ça suintait.» En dépit des soins, la plaie s’est aggravée, elle s’est étendue de la nuque aux fesses. «Quand il enlevait son maillot de corps, la peau venait avec. Alors, il vivait torse nu, il mettait son maillot quand on avait de la visite.» Les médecins évoquent la possibilité d’un cancer de la peau. «Le pire, quand il n’arrivait pas à dormir à cause de la douleur, il allait s’installer dans son fauteuil la nuit pour ne pas me déranger», soupire-t-elle. Même schéma dans la famille Vincent. «J’ai acheté le fauteuil à mon mari, pour son anniversaire», raconte Thérèse Vincent. Il rentrait du boulot, sa douche, son pyjama, son fauteuil. Il a d’abord eu des démangeaisons, puis ça s’est infecté. La zone s’étend et devient purulente. Il devait changer trois fois de pantalon par jour, je lui mettais des pansements spéciaux, qu’on utilise pour les escarres, mais ça transperçait quand même. Deux mois et demi d’arrêt maladie. Puis je reçois cette lettre de Conforama, s’indigne Thérèse Vincent. Elle la lit à haute voix : "Vous avez acheté récemment un canapé ou un fauteuil […] Certains de ces produits sont susceptibles de provoquer dans de rares cas des réactions cutanées allergiques" Et puis ils nous demandent d’appeler un numéro vert. Ce que fait Thérèse, qui se voit proposer un remboursement. Au service après-vente, les langues se sont un peu déliées. Un employé nous a glissé, "moi, si j’étais vous, je porterais plainte contre Conforama".» Le couple ne sait toujours pas de quoi il en retourne.

Dommages et intérêts. C’est en surfant sur Internet qu’ils découvrent, dans un forum de témoignages de victimes, le nom du dimethyl fumarate. «Conforama assumera toutes ses responsabilités», affirme Olivier Rigaudy. Aujourd’hui, le groupe a entamé une procédure de versement de dommages et intérêts aux victimes. Les sommes proposées par la compagnie d’assurance de Conforama, entre 300 et 2 000 euros selon les cas, sont considérées comme dérisoires par les malades.

Me Tillie, leur avocat, reproche surtout à Conforama de ne pas avoir organisé un rappel massif de ses produits, comme l’a fait Etam. «Le principe de précaution n’a pas été suffisamment appliqué», affirme-t-il. Il explique que des gens, pas allergiques, n’ont pas changé leur fauteuil, ce qui veut dire qu’un visiteur, un ami, peut en souffrir. Il n’exclut pas un dépôt de plainte pour blessures volontaires, «s’il y a de nouveaux cas postérieurs au 18 juillet.» Pour Olivier Rigaudy, Conforama est «victime» de son fournisseur chinois, Linkwise, contre lequel il s’est retourné. Linkwise est aussi mis en cause en Angleterre et en Finlande, dans des dossiers similaires. Mais ceux-là datent de 2006-2007. «A quoi ça sert, l’Europe ?», lâche, désabusée, Thérèse Vincent.

Stéphanie Maurice

Numéro Vert : 0800 01 50 50 de 10h00 à 20h00, du lundi au samedi.
Références concernées, inscrites sur la facture : 121944 , 122011 , 122012 , 132072 , 133114 , 133116 , 133117 , 133118 , 137214 , 137215 , 137216 , 137218 , 138512 , 144474 , 144475 , 145862 , 145865.