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Intérimaires, dans le Nord : «ça va pas fort, fort»


ÉCO-TERRE - «Plus rien depuis le 12 octobre.» Martin (1) mord dans son kebab. L’intérimaire de 22 ans mange avec deux copains, dans une sandwicherie coincée entre deux boîtes d’intérim, à Valenciennes. Il travaillait à la semaine pour un transporteur, cariste manutentionnaire sur la zone d’activité de Prouvy, pas loin. Charger et décharger des piles de pneus, il aimait bien. «Des pneus de voiture de ville, de camions, de 4X4.» Les premiers visés, ce sont eux, les intérimaires. ÉCO-TERRE - «Plus rien depuis le 12 octobre.» Martin (1) mord dans son kebab. L’intérimaire de 22 ans mange avec deux copains, dans une sandwicherie coincée entre deux boîtes d’intérim, à Valenciennes. Il travaillait à la semaine pour un transporteur, cariste manutentionnaire sur la zone d’activité de Prouvy, pas loin. Charger et décharger des piles de pneus, il aimait bien. «Des pneus de voiture de ville, de camions, de 4X4.» Les premiers visés,

Alors que toutes les industries liées à l’automobile sont touchées, ils sont les premiers à trinquer. Et dans le Nord-Pas-de-Calais, l’automobile c’est un tiers de l’emploi industriel. Martin, ancien étudiant en physique, s’était formé pour devenir cariste, «pour trouver du travail vite». Quand on ne lui disait rien vendredi, c’est qu’il pouvait se présenter à 6 heures du matin, le lundi suivant. Inquiet ? Il sourit : «Oui, quand même.» Il ajoute : «Ils sont contents de moi. Dès que ça reprend, ils m’appellent.»

Mais pour l’instant, cela ne risque pas de reprendre. Ni à Renault Douai, ni à Maubeuge construction automobiles (MCA), ou encore à Bridgestone, à Béthune, ou chez l’équipementier Faurecia à Auchel. Exemple à Sevelnord (4 200 salariés) : 400 des 700 contrats d’intérim ne sont plus renouvelés depuis le 30 septembre. Du coup, Sarah, 46 ans, qui travaille dans la cantine, «au self, à la plonge, en cuisine», on ne l’appelle plus non plus. «Sauf ce matin, parce que quelqu’un était malade. Mais sinon, depuis septembre, plus grand monde ne fréquente la cantine. Il n’y a plus d’intérimaires et les agents de production sont au chômage technique, trois jours par ci, par là.» Elle raconte. «Le chef, je suis dans son estime. J’attends qu’on m’appelle. Ce matin, le téléphone a sonné à 10 h 15 pour travailler à 11 heures. J’ai speedé. Pour quatre heures de boulot, 40 km aller-retour, mais je refuse rien.» Son prochain contrat, c’est une journée, le mois prochain, un inventaire.

Marouane, 31 ans, ne refuse rien non plus. «Mais j’ai arrêté de rêver.» Lui, c’est l’électricité, les usines, des contrats à la semaine pour l’entretien des ascenseurs et des ponts roulants. Il travaillait pour Cegelec. Ça s’est arrêté après des années presque sans interruption. «Je me dis : "Il est où, mon avenir ?"» Il a un diplôme pour conduire les bus, il pense à se reconvertir. Il se sépare de sa femme, doit trouver un nouveau logement. «Mais avec des fiches de paie d’intérimaire, même des mois à 2 500 euros, c’est dur de trouver. Les propriétaires se méfient.» A MCA Maubeuge, ce sont 400 postes d’intérimaires qui sautent. Jérôme a posé là-bas des pots d’échappement et serré des vis de février à août. Depuis, plus rien. «J’aurais dû être appelé en septembre, mais avec les baisses de commandes, ça va pas fort fort.»

En août, Thierry Herbet, directeur de la maison de l’emploi du Nord-Avesnois, à Maubeuge, a compté 1 300 noms de plus dans ses fichiers, rien que parmi les intérimaires de MCA. «Il y a la baisse réelle de l’activité et le fait que dans le doute, les contrats ne sont pas renouvelés à cause du manque de visibilité. Pour notre territoire, ça a été flagrant», explique-t-il. Avant la crise, son secteur était à 16 % de chômage, dont environ 20 % à Maubeuge. Il attend beaucoup de l’arrivée d’une pâtisserie industrielle Neuhauser, avec ses 90 emplois prévus, et de la montée en puissance de l’activité du métallurgiste Sambre et Meuse, dont le carnet de commandes dans le ferroviaire résiste bien malgré la crise. «A nous de comprendre les besoins de ces secteurs pour mettre en adéquation les anciens intérimaires qui travaillaient sur la Kangoo.»

Haydée Sabéran

Photo Cédric Dhalluin

(1) Certains prénoms ont été modifiés