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A Calais, les Afghans traqués craignent le charter


SOCIÉTÉ - Quel charter vers Kaboul ? Où ça ? «Aucun départ n’est prévu.» Gérard Gavory, le sous-préfet de Calais l’assure : malgré les apparences, aucun avion rempli d’Afghans arrêtés à Calais ne décollera vers Kaboul dans les jours qui viennent. Pourtant, 43 Afghans ont été déclarés expulsables vers leur pays d’origine par les juges du tribunal situé dans le centre de rétention de Coquelles, près de Calais. Et, vendredi, le consul d’Afghanistan a été invité à rencontrer les Afghans et leur délivrer des papiers en vue de leur expulsion.

Le même jour, la police quadrillait plusieurs forêts de Calais avec hélicoptère et projecteur. «Pour lutter contre la délinquance, et rétablir l’ordre, assure le sous-préfet. Les associations parlent de "rafles". Je récuse ce terme. Ces derniers jours, il y a eu une montée des agressions entre migrants, mais aussi envers les chauffeurs de camions et contre les policiers.» Il indique que «deux ou trois» passeurs ont été arrêtés ce soir-là, et qu’ils sont «poursuivis».

Les associations craignaient un charter groupé franco-britannique avec des Afghans arrêtés en Grande-Bretagne et des Afghans arrêtés à Calais. «Les Britanniques nous ont fait la proposition, on n’a pas répondu», assure Gérard Gavory. Plus de charter, donc. C’est pourtant ce que craignaient hier encore la Cimade, Salam (une association de défense des migrants à Calais) et Hélène Flautre, députée européenne (Verts).

«Mineurs». Pourquoi ce démenti du représentant de l’Etat ? Hélène Flautre, surprise et ravie de la nouvelle, avance une hypothèse : «L’ambassade d’Afghanistan à Paris me signale qu’une bonne partie des personnes que le consul a rencontrées n’ont pas été reconnues comme afghanes.» La députée européenne, qui a écrit un courrier au ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, pense aussi que l’expulsion aurait été «plus que contestable» sur plusieurs points. D’abord, il y aurait des adolescents retenus dans le centre. «Trois se sont déclarés mineurs. C’est vrai qu’ils ont l’air jeunes, mais nous ne pouvons pas le vérifier», indique un porte-parole de la Cimade dans le centre. Ensuite, certaines régions d’Afghanistan sont déclarées «non sûres» par le Haut-Commissariat aux réfugiés, «et certains Afghans du centre pourraient en être originaires». Autre point «plus que contestable de la part des autorités», selon l’élue européenne : «On a fait de la place dans le centre pour y rassembler des Afghans, et il semble que les arrestations soient ciblées. Les expulsions collectives sont contraires à la convention européenne des droits de l’homme.»

Elle évoque le cas d’un Afghan expulsé d’Australie «décapité» à son retour. A l’intérieur du centre, Saïd (1), 19 ans, un Afghan joint par téléphone, reste inquiet : «Il ne faut pas nous renvoyer vers Kaboul. C’est dangereux. Les talibans kidnappent les gens, étrangers et Afghans. Mon propre père, qui travaillait au Parlement, a disparu. La police m’a dit qu’il n’y avait rien à faire, et qu’il fallait que je me procure une arme pour me défendre. La semaine dernière, au téléphone, ma mère m’a dit que 20 Afghans expulsés d’Australie avaient été tués par les talibans.»

«Payer». Il raconte que les jeunes Afghans retenus à ses côtés dans le centre de rétention ont «entre 16 et 20 ans». Leurs familles auraient emprunté «entre 10 000 et 20 000 dollars» (entre 7 800 et 15 600 euros) pour payer leur voyage vers l’Europe. «Mon voyage à moi a coûté 10 000 dollars. Comment je vais faire pour payer quand je rentrerai ?» Il confie qu’il a trois frères plus jeunes qui sont restés avec sa mère. Son voyage aurait duré deux mois et demi. Il est arrivé à Calais il y a dix jours et a tenté une fois le passage vers l’Angleterre, avec l’«aide» de passeurs. Ces jours-ci, le droit de se glisser à l’intérieur d’un camion coûte 400 euros. Pour ceux qui risquent le passage seuls, c’est la menace du coup de couteau par les passeurs qui tiennent les parkings. Le jeune Afghan souffle dans le téléphone : «Ils frappent, et parfois ils tuent.»

(1) Le prénom a été modifié.

Haydée Sabéran