MUSIQUE- C'est Roubaix à l'accordéon jusqu'au 26 octobre, festival qui en est à sa 12e édition. Et ce n'est pas toujours de la musette, loin s'en faut. La preuve par Laure Chailloux, accordéoniste et programmatrice, qui montre le piano à bretelle sous un jour plus expérimental ce soir à la Condition publique, avec son "Usine à soufflets".
Pourquoi avez-vous choisi de monter une création pour le festival ?
« J'aime programmer autre chose qu'un concert frontal, c'est à dire un spectacle
hors d'une salle de spectacle, avec des itinéraires sonores. L'accordéon est un instrument qui accompagne bien le mouvement.
Vous avez choisi comme lieu la grande halle de la Condition publique, un ancien entrepôt de laine. Pourquoi ?
L'espace est vide, et il a une résonance de cathédrale. Le moindre
bruit prend tout l'espace, et cela m'intéressait d'entendre comment un
instrument acoustique pouvait en prendre possession. Puis ce lieu a été
une plaque tournante de l'activité industrielle textile roubaisienne,
au moment où l'accordéon était archiprésent, dans la vie au quotidien
des ouvriers. On faisait des chansons, on mettait en boîte les patrons,
on véhiculait l'actualité, comme un journal. Et à côté de cela, on
allait écouter de la musette pour faire la fête au Fresnoy [le dancing
de Tourcoing, ndlr]. Pour moi, mettre de l'accordéon dans cette halle, c'est
comme si on allait faire se retrouver ces deux complices du temps
jadis. Ce n'est pas de la nostalgie, attention, on n'a pas recréé un
bal de musette par exemple.
Qu'avez-vous imaginé pour ce lieu ?
On va le laisser vide, juste le remplir de la musique d'un accordéon
actuel. Je veux montrer qu'on peut avoir des instrumentistes hors du
jazz et du classique. J'ai choisi trois accordéonistes : joue
un instrument à touches piano, et s'est émancipé de la musique
classique et contemporaine pour créer des illustrations sonores,
proches des foires d'antan avec des aspects dissonants et ludiques ; Nano, c'était le roi du bal musette, il en a fait le tour de France à
dix ans, il a une dextérité étonnante, puis il a eu le déclic, il a
découvert qu'il pouvait faire autre chose de son instrument, il a
accompagné Kent, Stéphane Eicher, Suzanne Vega ; enfin, avec son
accordéon diatonique, venu de la musique traditionnelle, c'est un peu
le Marc Peronne belge, il a beaucoup travaillé la matière mélodique du
souffle de l'instrument.
Avec quelle scénographie autour d'eux ?
On va entrer dans la halle dans le noir, par petits groupes. On ne va
pas la remplir de gens, l'idée c'est de placer le public dans un
contexte sensitif. Tu n'arrives pas dans une salle qui est mate, où tu
t'assois et où tu attends le spectacle. On va demander aux gens de
suivre le petit fil lumineux qui s'allume, un accordéonniste est caché
derrière un pylone, on va rester dans le sobre, dans ce qui prend, ce
qui touche. Il y a un moment où les trois joueront ensemble, et le
spectateur se fera encercler par la musique, ce sera le bouquet final.
5 euros, ce soir. Départs à 19h, 20h, 21h à la Condition publique, 14 place Faidherbe, Roubaix. Réservations : 03 28 33 48 33