Comparateur de rachat de crédit

«Le CAC m'a pris mes prunelles»


ARTS DE LA RUE - C'est une manif, une procession, un défilé. Ça s'appelle «Les aveuglés». Pour la journée nationale des arts de la rue programme ici, deuxième du genre, des artistes du Nord rassemblés en collectif, celui des «Artsveugles clairvoyants», appellent à une procession d'«aveuglés» -et non d'aveugles-, ce samedi à Lille, à partir de 13h45. L'idée : dénoncer un «aveuglement collectif», celui du dogme de la croissance. Les citoyens désirant manifester sont les bienvenus, ils sont priés de se munir d'une canne blanche et de lunettes noires, disponibles sur place en cas  d'oubli.

Point de départ, le parvis Saint-Maurice, rue de Paris, à Lille. Arrivée le soir, à 18h17 précises, au Boulon, salle de spectacles de Vieux-Condé, dans le Valenciennois.

Il faudra aussi se munir d'une pancarte, qui décrira son aveuglement personnel (exemple, «Le CAC m'a pris les prunelles»), et se l'accrocher autour du cou. Six compagnies de théâtre de rue au moins participeront au défilé des aveuglés. Pourquoi ce thème ? «Nous avons été beaucoup influencés par la crise financière», avoue le collectif, «par cet aveuglement collectif par rapport à la prospérité économique, à la croissance, à tous ceux qui nous chantaient les louanges du libéralisme. Et la population, elle, a été éblouie, aveuglée.»

Ils se sont aussi inspirés d'un tableau de Brueghel, La parabole des aveugles : «Cinq aveugles se tiennent par l'épaule et le premier se casse la gueule : comme ils se suivent comme des moutons, tous vont se casser la gueule», décrivent les membres du collectif.

Et c'est aussi l'occasion pour les artistes de se réapproprier l'espace public, de plus en plus privatisé, de plus en plus confisqué, et de rappeler la précarité du régime intermittent, la baisse des subventions et le poids des contrôles fiscaux sur les compagnies. «Nous sommes très contrôlés, au contraire des marchés financiers, c'est paradoxal», se moque le collectif. Avec la baisse des aides venant de l'Etat, «les lieux programment moins, moins d'argent va à la création, et le résultat, c'est moins d'intermittents. Ce que cherche le Medef et ses amis», explique-t-il. «Et avec la crise, nous ne savons pas comment les collectivités locales, avec qui nous travaillons, vont se repositionner en 2009.» Angoisse, donc, mais comme «la peur n'a jamais fait avancer les choses, autant se rassembler pour faire des choses amusantes et subversives», concluent-ils, bien décidés à dessiller les yeux des quidams.
S.M.