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Militants : «Il faut arrêter la cacophonie»


SOCIALISTES - «Nous ne sommes plus crédibles.» Touffe de cheveux blancs, tee-shirt rose, Mireille parle la première. «Le haut de la pyramide nous porte préjudice. Les sympathisants me disent "Mais qu’est-ce qu’ils font, dans ce PS?"» Dehors, dans les rues piétonnes du centre de Lille, des trombes d’eau. A l’intérieur de la mairie de quartier, une trentaine de socialistes, gros sur la patate, à deux mois du congrès de Reims. «Un bon Congrès ne sera pas de notre fait à nous, les militants, continue la dame. I

Ici, c’est la section de Pierre Mauroy. Il est là deux ou trois fois par an. Pas ce soir. Dans la salle, on est universitaire, étudiant, retraité, chômeur, juriste, comptable, militaire retraité, RMiste. Quelques conseillers municipaux de la maire, Martine Aubry, et des militants de base qui s’autorisent le ras-le-bol.

«Marasme». Guillaume Crohem, jeune secrétaire de section, avait prévu de «crever l’abcès» post-La Rochelle en cette première réunion de rentrée, jeudi soir. C’est réussi. Il lance le débat : «On a l’impression d’un marasme, de querelles de clochers, c’est à qui va sortir la meilleure phrase du jour. Résultat, en réponse à ce que fait Sarkozy avec sa bande, on est inaudible.» Cet ancien pro-Royal veut éviter une «campagne insipide comme en 2007» et attend du Congrès «pas grand-chose sur le plan des idées, mais une méthode de travail pour arrêter la cacophonie». Ou alors, prédit-il, «Sarkozy, on en prend pour dix ans». Une femme, au premier rang : «Il faut qu’ils arrêtent cette image de gauche caviar, de haut du panier. Ce sont les militants qui paient les pots cassés. La population qui souffre, elle se tourne vers Besancenot.»

Contre la «cacophonie», le secrétaire de section hasarde : «On a une culture parlementaire, la droite a plus la culture du chef. Il faut imposer une personne comme Sarkozy qui mette le parti en route.» Martin, étudiant qui débarque de Saint-Brieuc, doute : «En même temps, on ne veut pas non plus être un parti de supporteurs. A l’UMP, ils ont tendance à faire des cartes comme ça.» Il a un autre doute : «On est tous d’accord pour dire "Il faut trouver quelqu’un", mais si on fait un sondage, on ne sera pas d’accord sur qui.» Marielle Rengot, conseillère municipale : «avec Mitterrand, tout le monde n’était pas d’accord. Il y a pourtant eu Epinay, et 81. Il peut y avoir une majorité, et une minorité qui respecte la discipline du parti.» Dans le fond de la salle, une dame d’une cinquantaine d’années : «Il faut de nouvelles têtes. Regardez les trotskistes, ils ont mis en avant Besancenot. Nous, on n’arrive pas à le faire». Un homme près du mur : «Je n’ai pas adhéré au PS pour être strauss-kahnien, fabiusien, ou autre. Ça ne m’intéresse pas.» Mireille chuchote : «Ben oui, ça, c’est le haut de la pyramide.» L’homme continue : «Il faut quelqu’un qui a les épaules suffisamment larges». Mireille : «Quelqu’un de nouveau qui peut faire le rassemblement, jeune.» Une voix féminine rigole dans le fond : «Une femme !»

«Expérience cuisante ». En aparté, un discret votera une femme, «Royal ou Aubry». Dissocier le premier secrétaire et le candidat, personne ne se prononce pour. «Est-ce qu’on peut se permettre un premier secrétaire qui n’est pas présidentiable ?» s’énerve l’homme près du mur. «Est-ce qu’on peut encore se permettre une expérience cuisante ? C’est le premier secrétaire qui doit porter la gauche.» La conseillère municipale : «Je vote pour !» Pareil pour un jeune collaborateur d’Aubry, Guillaume 2. «Ça m’énerve. Pierre Moscovici premier secrétaire, de fait, sera écouté, observé. Evalué dans les sondages, présidentiable ! On est le seul parti au monde qui se dit "On va mettre le type le plus mauvais à la tête du parti pour pas fusiller les autres".»

Après la réunion, entre le saucisson et les tomates cerises, une militante trouve que François Hollande a fait «deux erreurs. Ne pas avoir dit "Je suis le patron, je vous conduis à la présidentielle". Et ne pas avoir fait marcher la discipline à l’égard de Fabius, au moment du référendum. Les militants avaient tranché pour le oui, il fallait respecter le vote.» Un autre : «Depuis, chacun se sent dépositaire d’une légitimité à exposer ses idées. Je veux bien qu’on s’étripe en interne, mais quand on part au front, on part unanimes». Un autre a peur qu’il y ait «trop de motions».

Mireille lance un portrait du candidat idéal : «Quelqu’un qui ne change pas d’avis au gré du vent, qui parle collectif, qui connaît tous les rouages, et les difficultés des gens.» Elle pourrait ajouter «avec une frange brune, ancienne ministre des Affaires sociales sous Jospin» qu’on n’y verrait pas moins clair. «Ben oui, c’est quand même une sacré nana. Faut voir ce qu’elle s’est coltinée, quand elle a fait les 35 heures.» Et la colère de Pierre Mauroy contre le rapprochement Aubry-Fabius ? Personne n’a abordé le sujet. «On accorde moins d’importance à ce qu’il dit, il a moins de responsabilités», veut croire une militante.  «C'est une figure historique. Il a moins de poids», ajoute Julien, étudiant. A moins que, échaudé par le «haut de la pyramide», on n’avait pas envie d’en rajouter.

Haydée Sabéran

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