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Grand stade, c'est oui, mais avec intérêts


POLITIQUE - Dans la catégorie serpents de mer, en voilà un qui a fini de se mordre la queue : cet après-midi, les élus communautaires ont dit oui au Grand Stade. Martine Aubry, la nouvelle présidente de Lille-Métropole, a réussi à diminuer la future note, salée, laissée par son prédécesseur, Pierre Mauroy. Dans la première mouture du projet Eiffage, le plus cher des trois en lice, Lille-Métropole devait débourser, tous les ans, 14,2 millions d'euros pendant 31 ans.Là, ils étaient 82% des élus à voter pour, en février dernier. Maintenant, la facture devrait osciller entre 9,7 et 10,5 millions d'euros, tout dépendra du succès du stade, puisque la communauté urbaine a négocié des intéressements sur les bénéfices ramassés. Malgré l'économie, ils ne sont plus que 66,86% à approuver. Pas logique ? En effet.  

Le principe - Le stade est financé selon les règles d'un partenariat privé-public (PPP). Le privé (Eiffage et le Losc) paye la construction du stade et l'exploite. En contrepartie, le public (la communauté urbaine de Lille) verse une redevance tous les ans pendant une durée limitée, et aménage les abords. Lors du premier vote, c'était plutôt le public qui mettait beaucoup la main à la poche. Ce qui faisait grincer des dents l'association les 2sous du Grand stade, qui dénonce  dans ses tracts «l'assistanat public pour le Losc», le club de foot lillois. Même Martine Aubry a reconnu que l'équilibre privé-public, ce n'était «pas tout à fait le cas au mois de février».

La facture - Le coût annuel brut du projet du Grand stade est de 30,6 millions d'euros bruts par an. En février, Lille-Métropole devait prendre en charge 14,2 millions. Martine Aubry a réussi à ramener la facture à environ 10 millions par an.
Ce qui n'a pas bougé : la contribution d'Eiffage (5,9 millions) et le loyer payé par le Losc (4,7 millions).
Ce qui s'est confirmé :  du côté des collectivités locales, le conseil régional devrait voter la subvention de 45 millions d'euros, qui permet de baisser la note annuelle de 3 millions d'euros (moins d'argent à emprunter, donc un coût financier annuel amoindri).
Ce qui est nouveau : le Losc et Eiffage ont accepté de verser un intéressement sur leurs recettes. Martine Aubry espère y gagner 700 000 euros. Ils ont aussi admis le principe de verser une taxe de 8% sur les spectacles organisés dans l'enceinte (concerts et tutti quanti) : soit 2 millions espérés en plus pour le bas de laine communautaire. Surtout, Lille-Métropole récupère le naming, qu'elle avait d'abord laissé au Losc. C'est à dire le droit d'utiliser et de vendre comme une marque le nom du stade. Elle compte bien aussi attirer ce qu'elle appelle des «grands partenaires», des sponsors, quoi. Ce qui devrait ramener entre 3,3 et 3,8 millions d'euros. Enfin, la mairie de Villeneuve d'Ascq a accepté de partager la future manne de la taxe foncière, soit 1,2 millions d'euros récupérés. Grâce à ces renégociations tous azimuts, la barre psychologique des 10 millions d'euros par an est atteinte. A condition que le Grand stade tienne ses promesses...

Le coût des aménagements autour - Parkings, bretelle d'autoroute, voirie : un stade de 50 000 places ne s'installe pas comme cela. En février, le buget était de 207 millions d'euros. Le projet a été revu à la baisse, avec des aménagements moindres sur le boulevard de l'Ouest et l'abandon de la partie enterrée du parking initialement prévue. Il est évalué aujourd'hui à 174 millions d'euros. Le conseil général a donné son accord sur une subvention de 20 millions d'euros, l'Etat a accepté  la prise en charge de la bretelle d'autoroute, à hauteur de 48 millions d'euros. Martine Aubry brandit et lit en séance le courrier du ministère, signé par Jean-Louis Borloo.

Le vote - Les socialistes, les communistes, le parti radical de gauche, le groupe Métropole Passions communes mené par Henri Ségard, le Modem ont voté oui. Soit 113 votants, et 66,86% des voix. Les Verts ont voté non. Ils s'étaient abstenus sur le choix du projet Eiffage en février, estimant que «cela ne [les] regardait pas». Un communiste les a rejoints, ce qui fait dix non, pour 5,92% des voix. L'abstention est à 26,63%, avec 45 votes blancs. Se sont abstenus le groupe emmené par Gérard Caudron, le maire de Villeneuve d'Ascq, passé du non au peut-être, le groupe Actions et projets pour la métropole du maire de Mons-en-Baroeul, Rudy Elegeest, et surtout le goupe UMP. Celui-ci avait voté pour le projet, alors qu'il était plus cher, sous la présidence Mauroy. Sous la présidence Aubry, il s'abstient, en évoquant, par la voix de Bernard Gérard, maire de Marcq-en-Baroeul, «des recettes encore alléatoires». «Rien n'est confirmé, tout est annoncé», a-t-il dégainé. Enfin, une personne n'a pas pris part au vote, soit 0,59% des votants.

Le débat - Ils se sont tous fendus, opposants ou pas au projet, d'un joli compliment à destination de «madame la présidente», Martine Aubry, pour son talent de négociatrice et le boulot abattu. Hommage donc à la ristourne obtenue. Cependant, Gérard Caudron, maire de Villeneuve d'Ascq, divers gauche et Slimane Tir, des Verts, ont persisté dans leurs critiques.Pour le premier «malgré des avancées non négligeables, les bases de mon vote de février n'ont pas changées.» Il égrène : stade surdimensionné, trop coûteux et mal inséré dans la ville.

Slimane Tir, lui, stigmatise «l'arnaque libérale du PPP». Et rappelle que Grimonprez-Joris n'attire que 13 000 personnes pour les matchs du Losc en moyenne, alors que le remplissage à moitié du Grand Stade, sur lequel compte Martine Aurby pour tenir la note des dix millions d'euros, c'est 25 000 spectateurs. Et puis, dit-il, un seul club n'a pas bougé de la ligue 1 pendant 30 ans, c'est Monaco. Tous les autres ont connu la ligue 2. Le Losc en ligue 2, ce serait évidemment mauvais pour les comptes. Martine Aubry, première supportrice des Dogues ? Et oui !

L'UMP, donc, qui a fait volte-face, passant du oui à l'abstention, ironise sur «la prophétie de la rue du Ballon». Lille-Métropole a en effet son siège à cette adresse prédestinée. Bernard Gérard insinue que la taxe foncière récupérée auprès de Villeneuve d'Ascq a eu une compensation : «On négocie cette taxe foncière contre la rénovation de Villeneuve d'Ascq. Cela donne l'impression qu'on récupère d'une main ce qu'on donne de l'autre.» Et conclut : «Nous attendons confirmation d'un certain nombre d'éléments avant de nous prononcer». En particulier les demandes de subventions, qui désormais doivent être votées. Dont un espoir, les 45 millions demandés au ministère des Sports. «Sans le Grand Stade de Lille, la France ne peut pas être candidate à l'Euro 2016», affirme Martine Aubry. L'arbitrage, dit-elle, se joue au plus haut de l'Etat. Elle se marre franchement : «Je vais aller voir M. Guéant à l'Elysée, vous voyez que je ne recule devant rien». C'est ça, l'amour du sport.

Le Losc - Michel Seydoux, dirigeant du club de foot lillois, a assisté à tous les débats du conseil communautaire, sur son Grand Stade. A la sortie, l'homme est content, parle de jour «historique», et ne craint pas les superlatifs. La rénégociation du contrat au désavantage du Losc ? Il écarte la question : «Je m'occupe de l'avenir, pas de quelques sous en plus ou en moins.»

S.M.

Photo © Max Lerouge/LMCU, et Eiffage. Architectes Valode & Pistre et Pierre Ferret

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