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L'armée au porte à porte, à Hautmont


SOCIÉTÉ - Le militaire la regarde de la fenêtre du premier. Le balcon est encombré d’une touffe de laine de verre soufflée par la tempête, le toit est amoché. Elle, d’en bas, cligne de l’œil au soleil, les mains en porte-voix : «C’est une grande glace qui est fixée au mur ! Vous pouvez me la descendre ?» Dix jours après la tornade qui a ravagé une partie du secteur, l’armée fait du porte-à-porte à Hautmont, Maubeuge, et Boussières-sur-Sambre, pour donner

Une centaine d’hommes sont là pour quinze jours, certains avant de partir au Kosovo. Dans la maison, ils sont quatre, cinq, six soldats du 601e régiment de circulation routière d’Arras à défiler, des gars de la région pour la plupart. La dame n’avait pas le droit de monter pour raisons de sécurité. Eux le peuvent.

Essoreuse. Devant la maison, ils déposent un placard de salle de bains, des bouteilles de produits d’entretien, une essoreuse à salade, le miroir du premier… Elle regarde les bouts de sa vie sur le trottoir et essaie de rire : «C’est l’brocante.» Et puis l’œil sur les mômes de 20 ans en treillis, au balcon : «Allez, redescendez, va.»

La maison d’à côté, un vieil homme avec un chien en laisse. Le capitaine Matthieu Mollard : «Besoin d’un petit coup de main?» Une cabane en PVC a été éventrée. «C’était un pigeonnier», dit l’homme. Le chien lui court dans les jambes, excité. «Râââ… Je vais avoir une attaque de nerfs avec ce chien. J’ai un souffle au cœur. Deux jours que je tourne en rond, ça me dramatise.» Il râle contre les assureurs. Il voudrait tout faire raser, «et on recommence à zéro».

Le lieutenant Glenn Piriou s’approche de la famille Lalami : «Besoin de bras ?» Un des frères : «Des bras ? Merci beaucoup. Sans offenser personne, c’est avant qu’il fallait venir.» Le militaire : «Si besoin, on est là.» L’homme montre la grande maison, toit envolé, certains murs disparus, une chambre à ciel ouvert. «La chambre de mon petit frère, c’est celle-là. Cette nuit-là, il était à Valence. Dans le malheur, on a eu de la chance.» Ils avancent entre les gravats. «On nous avait dit que vous viendriez avec des grues. On a fait le plus gros. On a pris des risques, c’était sentimental. Vous avez le feu vert pour déblayer, mais il y a peut-être des gens plus importants à aider.» Un enfant leur dit bonjour, un autre fait pan! pan! avec les doigts.

Jouets. Jackie, dans la maison voisine, attend les militaires depuis longtemps. Vendredi, lors de la visite de Christine Boutin, il les réclamait. «Bienvenue. Ça fait plaisir.» Quand le militaire s’éloigne, il ajoute : «On n’a pas besoin qu’ils soient armés jusqu’aux dents, il faut une armée capable de prévenir les risques de terrorisme et d’intervenir en cas d’aléa climatique. Mais on démantèle. Il y aura des zones complètes sans personne. Il faut lancer un débat national là-dessus.» Il a fait son service à Djibouti en 1975. Il a besoin qu’on lui sorte deux malles, coincées en hauteur, pleines de jouets et de souvenirs. «Celle-là, elle a un passé, elle appartenait au grand-père de ma femme.» Lui aussi raconte une histoire de miraculé. «Ce dimanche-là, on aurait dû être là tous les trois. Je suis parti avec mon fils à Luxembourg. Et ma femme s’est levée de son lit pour rassurer le chien qui paniquait. On aurait dû être morts.»

Haydée Sabéran

Photo Aimée Thirion