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Ch'tite colère


POLÉMIQUE - Et si Bienvenue chez les Ch'tis était un film «désastreux» pour l'image des nordistes? C'est la thèse que développe la militante socialiste Elise Ovart-Baratte, authentique Ch'ti, électron libre du PS du Nord et secrétaire de section du Vieux-Lille, dans le livre

On pourrait l'appeler Mademoiselle Sans-Gêne. De l'aplomb, des yeux qui n'ont pas froid, et, ces jours-ci, une petite colère, qui s'appelle Les Ch'tis, c'était les clichés, à paraître dans dix jours. Un coup de gueule contre «l'image désastreuse» que le film Bienvenue chez les Ch'tis, censé combattre les clichés sur le Nord, donne du Nord-Pas-de-Calais, selon elle. Voilà Elise Ovart-Baratte,  28 ans, socialiste, chercheur en histoire contemporaine, lobbyiste et ancienne chargée de com' de la maire de Lille.

Coup de gueule aussi contre la subvention de 600.000 euros votée par ses camarades socialistes de la Région -et en particulier son président, Daniel Percheron- pour financer la promo d'un film qui n'en avait pas besoin.

Et, enfin, plaidoyer pour que «l'image» de sa région change. Une région, qui assure-t-elle, n'a pas besoin qu'on la raconte à coups de clichés. L'idée que défend cette spécialiste de la com' : même s'il ne fait pas souvent beau dans le nord, que ses habitants les plus pauvres portent les difficultés sociales sur leur corps et leur visage, même si le taux de chômage est trop élevé, et le niveau scolaire bas, ce n'est pas de ça dont il faut parler. Il faut communiquer... Photographier la Grand'place de Lille, Euralille, les pâturages de l'Avesnois, les vallons de l'arrière pays boulonnais, dire que la région est «dynamique», et qu'elle a su «relever le défi de la modernité». Or, déplore la jeune femme, le film de Dany Boon démontre «le contraire» en montrant des gens qui «picolent», parlent tout le temps ch'ti, sont «laids», et «quasi obèses». 

Son idée : «La misère existe aussi ailleurs. Si on donne une image dynamique de la région, on attire les investisseurs qui vont créer des emplois, et on contribue à améliorer la vie des habitants, à faire reculer cette misère, qui me révolte». Alors, elle est sûre que ce n'est pas à coups de subventions à Bienvenue chez les Ch'tis qu'on va «faire revivre le territoire», notamment un des plus touchés, celui où elle est née, du côté de Douai. Elle interroge : «les gens du Nord sont ils masochistes?» Principal objet de son ressentiment, le président de Région. «La question de l'image est une question sérieuse. Je ne lui reproche pas de ne pas assez travailler, mais d'être trop discret», et puis, quand il sort enfin de sa réserve, de se planter, avec les Ch'tis.

Elle reçoit dans son petit appart' ensoleillé du Vieux-Lille, s'excuse du désordre -il n'y en a pas-, et accepte de se raconter un peu. Pourquoi le livre? «Je l'ai écrit en tant que chercheur...» En tant que socialiste aussi, un peu non? Qu'est-ce qui lui prend de risquer ainsi de se mettre à dos ses camarades, toujours prompts, ici, à rappeler à l'ordre ceux qui briseraient la sacro-sainte «unité»? «Le parti est démocratique, et on a le droit de dire ce qu'on pense. Je voulais montrer qu'il existe un autre point de vue que le bourrage de crâne auquel on assiste depuis six mois, et faire avancer le schmilblick dans la région». Avant le livre, il y avait un coup de gueule sur LibéLille (voir ci-dessous), repris dans un article du Parisien-Aujourd'hui et France, qui a attiré l'attention de Calmann-Lévy.

Elle adore Dany Boon -elle l'a déjà rencontré, le qualifie d'«homme de gauche», et avoue avoir ri à son film-, fait le carnaval avec des potes à Dunkerque tous les ans -costume noir à cœurs roses, chapeau à grosses fleurs- , parle ch'ti -héritage de ses grands parents mineurs-, assure que le mot «biloute» est d'une «grossièreté inouïe», adore Jacques Bonnaffé et ses histoires de Cafougnette, aime la moto et cuisiner -italien, nordiste, marocain- et a ceci de typiquement ch'ti -bip, attention, cliché- que c'est une incroyable bosseuse : elle commence à travailler dans la com' à 19 ans, en même temps qu'elle suit la fac, «par correspondance, j'avais fait une prépa, j'étais habituée à travailler beaucoup», et à collectionner les mentions. Aujourd'hui, elle cumule les cours qu'elle donne à Sciences-po Lille, les collages d'affiche et les tractages sur les marchés, le militantisme au sein du courant Montebourg, sa thèse, à soutenir en 2009, son travail de lobyying à Paris, et -sa grande fierté-, des débats avec des personnalités extérieures au PS au sein de sa section, sur la sécurité, les intermittents, les droits des homosexuels, la discrimination... «Le parti doit être un lieu d'éducation populaire».

Et demain? Elle ne sait pas encore si elle préfère être élue ou travailler dans l'ombre d'un cabinet : «Je veux aller là où je serai le plus efficace». Elle sait que son livre l'expose à prendre quelques coups, dans son camp. Malgré ses 28 ans, elle se dit «prête».

Haydée Sabéran

Photo DR

Les Ch'tis, c'était les clichés, Sortie le 26 août. 11 euros, Calmann-Lévy.

Lire aussi parue dans Libération

Lire le coup de gueule de Jacques Bonnaffé, suivi, dans les commentaires, le 17/02, d'Elise Ovart-Baratte.