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Peut-on encore sauver l'Arc-en-ciel?


CINÉMA - Le cinéma art et essai du Centre Arc-en-ciel de Liévin doit mourir mardi. «Faute d'argent» assure le directeur du centre, Hassan Amrani. «Faute d'envie», répond Valérie Fayt, de l'association des spectateurs, qui refuse la fermeture.

C'est un cinéma en centre-ville, on ne peut pas le louper sur la place Gambetta de Liévin, vitrine du centre culturel Arc-en-Ciel, dédié par ailleurs à la musique et au théâtre. Trois salles, classées art et essai, rare dans l'ex-bassin minier, une bouffée d'air. Pour voir Into the wild... ou La graine et le mulet, mais aussi Bienvenue chez les ch'tis pour pas cher, entre 2,30 et 4,50 euros. Mais voilà, mardi, c'est la dernière séance, c'est fini.

Les raisons? Selon la direction, la subvention du Centre national du cinéma a chuté de 30.000 à 8.000 euros en trois ans. Les deux salaires de contrats aidés dédiés au cinéma ne seront pas renouvelés, et enfin, la salle n'a «pas les moyens de passer au numérique», considéré comme une priorité par Hassan Amrani, directeur, et Hélène Flament, adjointe à la culture. Pour l'instant, la moyenne de fréquentation est de 22 spectateurs par séance, dont les deux tiers de public scolaire, et le budget cinéma correspond à 15% de celui du centre culturel, selon les chiffres de la direction.

«On nous met devant le fait accompli, et les arguments ne nous semblent pas valables», s'indigne Valérie Fayt, présidente de l'association des spectateurs du cinéma Arc-en-ciel, qui a annonce avoir recueilli 1200 signatures en faveur de la salle et qui réclame un rendez-vous, pour l'instant en vain avec le maire de Liévin. «Le passage au numérique, ça n’a rien d’urgent, ce n’est pas pour demain. Seulement 128 salles sur 1200 sont équipées dans toute la France, et 50 films sont distribués sous ce format. Dans la région, seules trois salles du Kinépolis de Lomme sont équipées. Le deuxième argument, c’est la baisse des subventions du Centre national du cinéma. Cette subvention, c'était 2% du budget du centre culturel. Les usagers ont le droit à la parole et aux informations. On a l’impression que tout se précipite  et qu’on ne peut rien faire».

L'association propose une hausse du prix du billet. «Un euro de plus, c'est impossible, répond l'adjointe à la culture, l'éducation nationale, qui paie les billets des scolaires, ne suivra pas». Les spectateurs pensent aussi qu'on pourrait faire une meilleure publicité à la salle. «Quand on clique sur le mot “cinéma” sur le site internet de la ville de Liévin, on tombe sur le site de Pathé (il faut cliquer sur “Arc en ciel” pour trouver la salle de cinéma art et essai, ndlr). Ça me gêne, c’est comme s’il n’y avait qu’un seul cinéma à Liévin. On peut attirer le public en faisant un petit effort.» 

Arc en ciel, c'est aussi le seul cinéma Art et essai pour plus de 200.000 habitants, des projets avec des écoles primaires et les lycées, notamment Henri Darras, le seul du Pas-de-Calais à proposer une section cinéma. «Il y a des enfants qui ne vont au cinéma qu'ici, et surtout qui n' ont qu'ici l’occasion d’avoir une culture à l’image très jeunes. Le bassin minier, qui n’était déjà pas très riche en offre culturelle, n’avait pas besoin de ça», déplore Valérie Fayt. «Je fais partie d’un ciné-club. On a fait venir Jean-Pierre Mocky, Yolande Moreau. On s’est formé à l’analyse filmique autour des films de Steven Spielberg l’an dernier et Brian de Palma cette année avec Thierry Cormier, rédacteur à la revue Eclipses. On ne voudrait pas que tout ce travail de qualité s'arrête». L'association se plaint de ne pouvoir échanger avec personne, ni le avec directeur d'Arc en ciel, ni avec l'adjointe à la culture.

«Ils se trompent de cible en venant manifester à Arc en ciel», s'agace Hassan Amrani. «Ils me prennent pour le grand méchant qui veut fermer le cinéma, mais moi, je suis allé râler à la Direction régionale des affaires culturelles, au CNC, on ne nous donne pas d'argent, c'est un fait. Ce sont des gens qui râlent, et qui consomment. Ils n'arrivent pas à se souvenir du titre du dernier film qu'ils ont vu à Arc en ciel. Puisque ça a l'air si facile, qu'ils le fassent». Mardi, au programme pour la dernière séance : Sagan, Indiana Jones en version originale, et «une avant première surprise». Mais rien sur le site internet d'Arc-en-ciel pour prévenir le spectateur qu'après, c'est fini.
Haydée Sabéran