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Dominique, disquaire viré par la Fnac, soutenu par ses fans


CULTURE - La pétition fait des bulles dans le petit monde du rock lillois, et au delà. Yann Tiersen, Dominique A., les Marcel et son orchestre, les Curry and coco, quelques pointures et plusieurs centaines d'anonymes ont signé en faveur de Dominique Aria, un grand garçon aux yeux doux et à la culture musicale pointue, qui a été licencié pour «faute grave» de la Fnac de Lille, dont il gérait le rayon rock indépendant.

Sa faute grave : il a sorti des CD pour les écouter -ça c'est autorisé- mais il a oublié de le signaler sur un registre -et ça ce n'est pas permis-. En plus il avait laissé traîner des stickers anti-vols dans sa poche depuis le matin, ça a sonné, il s'est fait pincer par les vigiles. Un comité de soutien a recueilli 500 signatures.

Rencontre avec Patrice Budzinski, programmateur au Grand Mix(1) de Tourcoing dans le civil, ami et président du comité de soutien du disquaire distrait.

Patrice Budzinski, il est comment, Dominique Aria?
C'est bien plus qu'un disquaire. C'est une espèce en voie d'extinction. Un prescripteur qui a fait la culture musicale d'un tas de gens, qui leur a donné envie d'avoir envie. C'est quelqu'un qui a apporté, et maintenu une grande diversité, dans les rayons. Beaucoup de salles de concerts en France nous enviaient d'avoir un mec pareil à la Fnac de Lille. Après 20 ans, il avait encore la flamme. Il mettait toujours à l'écoute un ou deux groupes régionaux, et un obscur groupe indé, tout en faisant son boulot sur les gros référencements. Il y a un tas de gens qui peuvent dire «j'ai découvert tel ou tel groupe grâce à Dominique Aria».  Il est de tous les jurys, de tous les tremplins. C'est un gars qui nous alertait sur tel ou tel groupe, qui lisait la presse anglaise, surfait sur la blogosphère. Moi, il m'a donné des noms à mettre dans mon carnet d'adresses, il m'a mis en contact avec des réseaux en Belgique qu'il fallait connaître. Je l'appelais toutes les semaines. Tout le monde sait à quel point il est précieux. Il a créé une espèce d'école, en toute humilité. Si il y a un mec sur terre qui incarne le mot gentillesse, c'est lui.

Comment ça s'est passé?
Un jour, il m'a dit «j'ai un gros souci avec la Fnac, je suis mis à pied». Il a fallu lui tirer les vers du nez. Ça prêtait à rire, on pensait tous qu'il serait mis à pied une semaine, qu'il se ferait souffler dans les bronches, et voilà. Mais il y a eu la procédure de licenciement. On était sur le cul. Lui, il était en état de choc. Comme spectateur de son histoire. C'est pas à 40 ans qu'on commence une carrière de voleur. Tous ceux qui ont eu l'occasion de le rencontrer voient bien qu'il y a un truc qui colle pas dans cette histoire. Ce jour-là, il était pressé, il a pris les disques, il n'a pas respecté la procédure de sortie de documents. Il est lunaire, il plane à quinze mille. Tout le monde le connaît, tout le monde sait qu'il est incapable  de ça. Lui est très sensible à l'opprobre, au caractère honteux des faits dont on l'accuse.

Quelle explication à l'attitude de la Fnac?
Soit c'est une erreur de management, soit c'est une gestion d'apothicaire. La crise du disque est là. Quelqu'un qui a vingt ans de boutique coûte cher. Et un licenciement pour faute grave, ça n'oblige pas à indemniser. Je ne demande qu'à me tromper... (Réponse de la Fnac ci-dessous, ndlr). De la part d'une enseigne qui se dit militante, qui est sensée agiter le monde de la culture, ça laisse rêveur. Et puis, il a leur fait gagner une pelletée de blé quand même.

Comment va-t-il?
On a eu peur pour lui. Dominique, c'est le dernier des Mohicans. Difficile de l'imaginer ailleurs. Il commence à se projeter dans une recherche d'emploi.

Le comité de soutien a recueilli 500 signatures.
Il fait l'unanimité. Il y en a qui ont renvoyé leur carte d'adhérent au siège. On demande aux gens de réfléchir. Il y a des vrais enjeux de citoyenneté.

Recueilli par Haydée Sabéran

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