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Le stade chic et cher de Pierre Mauroy


POLITIQUE - Il ressemble à une dragée de chewing-gum géant, posé sur terre comme un ovni. Se transforme comme un jouet, avec pelouse rétractable. Il coûtera près de 500 millions d'euros. La version Eiffage du Grand stade de Lille a été désignée favorite hier soir par les élus de la communauté urbaine, à 82% des voix face à Bouygues en deux, Vinci en trois. Alors que tous avaient juré qu'ils ne voteraient pas un stade trop cher, ils ont opté pour le plus cher des deux finalistes. Sans trop broncher : on n'allait tout de même pas gâcher la dernière séance de Pierre Mauroy...

C'était sa dernière, et tout le monde y est allé de son compliment au «visionnaire», au «grand président», au «rassembleur». Il y a bien eu quelques voix anti-stade-trop-cher : Eric Quiquet, adjoint au maire de Lille, Vert, Gérard Caudron, ancien maire socialiste de Villeneuve d'Ascq, non-inscrit, Rudy Elegeest, maire de Mons-en-Baroeul, groupe Actions et projets pour la métropole (gauche).  Tous contre un stade trop cher qui obligerait, soit à augmenter les impôts, soit à renoncer à une politique de transports et de logements forte.

René Vandirendonck, maire socialiste de Roubaix, n'a pas pris par au vote, «par élégance envers Pierre Mauroy. Mais je refuse de voter pour quelque chose auquel je n'adhère pas». «On n'allait quand même pas lui faire ça. Y'a de l'affectif...», a lâché un autre socialiste.

Le problème? On avait annoncé un stade payé par la Communauté urbaine entre 10 et 12 millions par an pendant 28 ans. Soit entre 280 et 336, ce qui était déjà cher, quand, au nom du «rayonnement de la métropole», c'est la puissance publique qui investit, et plutôt le secteur privé, qui toucheront les dividendes, l'essence du «partenariat public-privé» : le privé paie la construction, construit, et exploite le stade, et le public, Communauté urbaine et Région, ainsi que le Losc  paient une redevance. Et au final, voici un stade à 14,2 millions par an sur... 31 ans, soit 440,2. Auxquels il faudra ajouter 200 millions pour l'accessibilité, et une subvention de 45 millions d'euros promis par la Région pour boucler le tout. 

Pierre Mauroy lui-même n'était pas pour la version chère. Il a même lâché, chauffé comme à une tribune de meeting : «S'ils (les patrons du privé, ndlr) le veulent avec nous, ils devront penser à nous apporter une contribution. Il faudra provoquer la pression, la discussion la confrontation. Il est inacceptable que ce soit le public qui supporte et le privé qui nous exhorte dans les journaux!». Allusion à la page de pub en  faveur de l'engagement des pouvoirs publics parue dans la presse locale, payée par quelques grands patrons régionaux, dont Bruno Bonduelle, président de la Chambre de commerce.

Mais la version Eiffage, c'était l'idée d'Henri Segard, premier adjoint au maire de Comines (MPC), à la tête d'un groupe très courtisé, qui pourrait faire ou défaire la majorité après les municipales, en faveur de Martine Aubry, maire de Lille (PS), ou Marc-Philippe Daubresse, maire de Lambersart (UMP), qui briguent tous deux la présidence.

Restent plusieurs inconnues. La Région versera-t-elle 45 millions d'euros? Le recours déposé pour non-conformité au plan local d'urbanisme par l'association les 2sous du grand stade aboutira-t-il? Et puis, Norpac-Bouygues, grand favori jusque quelques heures avant le vote, déposera-t-il un recours?

Et enfin, surtout, qu'en dira l'électeur? A l'entrée du siège de la Communauté urbaine, hier, les militants des «2sous du grand stade» distribuaient des tracts : d'un côté, un faux «sondage exclusif» révélant que «100% des dirigeants du Losc sont pour un Grand stade payé par les contribuables». De l'autre, un faux chèque de 700 millions d'euros libellé à l'ordre de «Actionnaires du foot business» et signé «Le million de contribuables». Le vote final est prévu en juin. La Communauté urbaine aura alors une nouvelle majorité, et un(e) nouveau(elle) président.

Haydée Sabéran