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Le Nord-Pas-de-Calais tient à garder son grisou


PROJET - Et si le grisou, gaz naturel échappé des veines de charbon, au lieu de tuer les mineurs, pouvait servir une bonne cause ? C’est-à-dire distribuer du gaz à prix réduit aux plus démunis du Nord-Pas-de-Calais, souvent descendants de mineurs. C’est le rêve de Jean-Pierre Kucheida, député et maire (PS) de Liévin, président de l’Association des communes minières de France, et fils de mineur. Rêve en suspens, pour l'instant.

Avant de fermer boutique, Charbonnages de France a en effet cédé, l’été dernier, Gazonor, sa filiale nordiste d’extraction du gaz de mine, après appel d’offres, à l’australien European Gaz Limited (EGL) qui envisage d’en fabriquer de l’électricité pour la vendre à EDF. EGL était en concurrence avec un consortium nordiste, composé de Dalkia, spécialiste des réseaux de chauffage urbain, Finorpa société de développement économique appartenant à la région, et deux bailleurs de logements sociaux, Soginorpa et Pas-de-Calais habitat. L’idée du consortium nordiste était de maintenir un prix bas du gaz pour la société Artésienne de vinyle - une usine chimique de Mazingarbe -, préserver ses 150 emplois, exploiter le gaz pour les réseaux de chauffage urbain, et produire du gaz de ville à bas prix en direction des plus démunis.

Mais l’australien EGL a gagné car il a lissé ses coûts sur vingt ans (et non sur dix comme l’appel d’offres le demandait) en faisant le pari que la concession minière, attribuée sur dix ans, lui serait renouvelée. «Un procédé déloyal, mais il paraît que c’est légal», se fâche Jean-Pierre Kucheida, qui soutenait le consortium nordiste. Rien de déloyal, selon le ministère de l’Economie, qui qualifie l’opération de transparente, et le ministère de l’Ecologie (dirigé par le nordiste Jean-Louis Borloo), qui la trouve «exemplaire».

N’empêche. Les élus du bassin minier ont manifesté à l’automne dernier sur le thème «notre grisou restera français», sous les fenêtres de Christine Lagarde. «Que le grisou, qui a fait notre malheur d’hier, n’aille pas enrichir une société capitaliste mais serve à la population!». Les élus de gauche sont soutenus par Jacques Vernier, maire UMP de Douai, et Valérie Létard, actuelle se crétaire d’Etat à la Solidarité. Et sur le tard par Jean-Louis Borloo, l’autre «ministre du Nord-Pas-de-Calais» selon Kucheida car ex-maire de Valenciennes. Alors que la cession à EGL était pliée, Borloo a soutenu les élus nordistes et promis de «favoriser l’entrée du groupement aux alentours de 20%» dans le capital de Gazonor, indiquent les services du ministre. La négociation s’engagera juste après les fêtes et devrait durer deux mois.

Par ailleurs, sur les 26 millions d’euros de la vente de Gazonor à EGL, entre 6 et 7 reviendront à l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs. Car 80 000 veuves de mineurs et 20 000 mineurs, dont plus de la moitié silicosés, vivent encore. «Dans le bassin minier, le taux de chômage atteint 20 à 25%» note Kucheida. «On demande pas grand-chose ! Un peu plus de justice.»

Haydée Sabéran