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Chez L'Âne qui butine, les livres sentent bon l'atelier


ÉDITION - C'est une maison qui fabrique des livres avec beaucoup plus que du texte et des pages. Certains écrits avec des tampons d'écoliers des années trente. Chaque lettre, une par une. Certains cousus main, linogravés. Fabriqués avec des objets récupérés, souvent, ils sentent parfois le vieux papier. Quand le stock d'objets s'épuise, on limite le nombre d'exemplaires. Parfois il n'y a qu'un exemplaire.

Chez L'Âne qui butine, c'est Christoph Bruneel, Belge bilingue, relieur et restaurateur de livres, qui fabrique, et parfois  écrit. Anne Letoré, chef de fabrication dans une agence de marketing lilloise, choisit le procédé et assure le suivi pub, elle écrit aussi.  Elle dit qu'elle est tombée amoureuse de son atelier avant de l'aimer.

Sachet de pétards. Christoph trouve des papiers partout. Des vieux patrons de couture chez sa mère, des papiers spéciaux chez des imprimeurs qui ont fermé boutique, de la toile émeri, d'anciennes cartes d'état-major, des extraits de livres de salaires d'une tuilerie, un extrait d'un ouvrage en braille, des pages d'un dictionnaire du 19ème siècle, ou un électrocardiogramme. Parfois il ajoute au livre une note de blanchisserie, un sachet de pétards, des semences de choux de Bruxelles.

Dans le livre qui raconte le récit d'un séjour en prison, La danse de l'ours, on a ajouté un marque-page collage de l'auteur, André Wandre, le scan de sa fiche de salaire en prison, la photocopie du plan de sa petite cellule, le ticket de caisse des produits qu'il a achetés, cher.

Encre violette. Un jour, Christoph a trouvé un stock de 150 classeurs en plastique rouge, chacun dans une boîte en carton, dans une ancienne usine, côté belge. Christoph et Anne ont lancé un appel à artistes. La consigne : penser rouge, et réaliser deux œuvres, en noir, qui seraient imprimées en rouge. Le thème : «rouge». Le résultat est un objet énigmatique fait de photos, portraits au fusain, collages. Ils ont perforé les feuilles, et ont joint, délicatement trouée aussi, une enveloppe qui raconte l'histoire du livre, dans laquelle on trouve, tapées une par une à la machine à écrire, les listes des auteurs, une étiquette en carton épais «Mélior» sur laquelle figure le numéro de chaque exemplaire, un carton de remerciements calligraphié à la plume Sergent-Major et à l'encre violette, la liste des objets et papiers utilisés, et la feuille rouge sur laquelle figurent les consignes aux auteurs.

Molaire de poule. Pour les textes, c'est très poésie, parfois Oulipo. On a ri avec un pamphlet de Lucien Suel, intitulé N'est-ce pas? : «L'os de limace n'est-il pas différent de la molaire de poule? Quand la pluie menace, n'est-il pas plus sage de faire son jogging en voiture? Consommer régulièrement du lait de poule n'empêche-t-il pas d'apprécier de temps en temps un œuf de vache?».

Le catalogue de L'Âne qui butine compte une centaine d'auteurs, dont Jacques Jouet, Ian Monk, Otto Ganz, Guy Ferdinande, Dan Ferdinande, Françoise Lison-Leroy, Armand Olivennes, Jacques Abeille, Parviz Khazraï, Luciel Suel. 

Haydée Sabéran

Où trouver les livres? Un pas de côté, à Béthune, galerie L'espace du dedans, à Lille, Eléa, à Saint-Amand-les-Eaux, Librairie Sauramps à Montpellier, Maison des surréalistes à Cordes-sur-ciel. Prix : de 7 à 480 euros.

Photo Françoise Lison-Leroy