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«Nos patients étrangers dans une extrême angoisse»


SANTÉ - «Un mot, des morts». Sous ce titre, plus de 1000 médecins ont signé une pétition contre un article de la loi sur l'immigration discutée en ce moment à l'assemblée. Cet article, à cause d'un mot, peut envoyer à la mort certains de leurs patients étrangers, expliquent-ils. Thomas Huleux, médecin généraliste attaché au service de maladies infectieuses de l'hôpital Dron de Tourcoing, est .

Pourquoi signez vous ?
Parce qu'à cause d'un mot, cet article de loi met nos patients en danger. Jusqu'ici, la loi permettait de régulariser des étrangers gravement malades pour pouvoir les soigner. Dans le nouveau projet, on change un seul mot, et ça change tout pour eux. Ceux qui n'étaient plus expulsables vont le devenir.

C'est à dire ?
Pour l'instant, on ne peut pas expulser un sans-papiers malade s'il n'a pas accès, dans son pays, à des soins équivalents à ici, ou s'il n'a pas un «accès effectif» à ces soins. Si la loi passe, il suffira que ces soins soient «disponibles» dans son pays pour que la personne perde son titre de séjour. Or, dans certains pays, les soins existent mais ne sont accessibles qu'à une élite, ou à ceux qui ont accès à la capitale, ou ne sont pas de même qualité qu'ici, ou encore il n'y a pas de stocks suffisants de médicaments. Soigner un patient, ce n'est pas juste signer une ordonnance. Là, il va y avoir des pertes de chance énormes.

Qui sont vos patients concernés dans votre service ?
Ils viennent surtout d'Afrique subsaharienne. Ce sont des gens qui travaillent ici, insérés socialement professionnellement, paient des impôts. En général, ils ont découvert leur maladie ici. Des citoyens comme vous et moi, qui apportent quelque chose à la société. Ils viennent à l'hôpital depuis 10 ans, 15 ans pour certains. Ils souffrent de VIH, de diabète, l'hypertension artérielle grave, de cancers, parfois des pathologies associées. Pour soigner ces maladies, il faut des structures adaptées, disponibles là où ils sont, et pas à un ou deux jours de marche.

Leur proportion, dans le service ?
Très faible. On ne peut pas parler d'immigration médicale. C'est 5% de notre file active, et encore, c'est parce qu'on est dans sune grande métropole. En France, cette mesure concerne une minorité de gens, 0,6% des étrangers en France, 28.000 personnes, un chiffre stable. En matière de lutte contre les flux migratoires, une mesure pareille, c'est infinitésimal.

Mais pas infinitésimal en termes de santé publique.
Ce qui risque d'arriver, c'est que certains entrent dans la clandestinité. Sans suivi, les patients VIH vont contracter des maladies opportunistes, comme la tuberculose, qui présente un risque de contagion. Par ailleurs, ils reviendront, aux urgences, quand ils iront très mal. On les soignera, puis ils repartiront, sans suivi. Ça coûtera cher à l'assurance maladie.

Comment vos patients vivent-ils ce qui se passe ?
Ils sont dans une extrême angoisse, et nous aussi. Ce serait inadmissible de laisser passer ça. Leur risque vital est engagé.

Recueilli par Haydée Sabéran