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Démantelement de camps de migrants : «Personne dans les fossés»


SOCIÉTÉ - Le maire du village de Norrent-Fontes (Pas-de-Calais), Marc Boulnois, d'Europe Ecologie, tient tête au préfet. Il refuse de «faire disparaître» le campement d'une vingtaine de migrants érythréens près de l'aire d'autoroute. Il pense que ça ne sert à rien, et que c'est inhumain. .

Alors que le préfet du Pas-de-Calais vous met en demeure de «faire disparaître» le campement de migrants de Norrent-Fontes avant le 29 janvier, vous refusez de le faire. Pourquoi?
D'abord, la concertation est le premier niveau de réponse dans une République qui se respecte. Ensuite, ce n'est pas en supprimant le campement qu'on pourra l'arrêter. Il y a toujours eu du passage à Norrent-Fontes.

Vous l'avez rencontré lundi, comment ça s'est passé?
Il veut toujours démanteler, et propose deux pistes: héberger les migrants -sans dire où-, les informer sur le retour volontaire, et la demande d'asile. Nous avons appris hier qu'il continue les arrestations. Nous sommes sceptiques, à la fois parce que ces réponses sont partielles (pourquoi ici et pas ailleurs?), et qu'elles demandent du temps et de la concertation.

Qu'est-ce qui va se passer si vous refusez de démanteler?
Le préfet peut prendre un arrêté pour constater que sa mise en demeure n'a pas été suivie d'effet, réquisitionner les moyens de la commune, et ses salariés. Et qu'est-ce qu'on va faire quand les gens vont dormir dans les champs, les fossés à Norrent-Fontes? Quelle que soit sa nationalité, je ne veux voir personne dormir dans les fossés. La plupart sont des victimes, on devrait leur porter assistance. L'Etat devrait tout mettre en oeuvre pour les protéger. A plus forte raison quand il y a parmi eux des mineurs.

«Ça a commencé avant Sangatte»

Depuis quand voyez-vous les migrants à Norrent-Fontes?
Ça a commencé avant Sangatte, pendant la guerre du Kosovo. Il y a d'abord eu des Kosovars, ensuite des Afghans, aujourd'hui des Erythréens. Nous sommes à côté de la dernière station service de l'A26 avant Calais, vers l'Angleterre. Le campement a été démantelé sept fois par les autorités. Ça n'a jamais résolu le problème.

Qui sont-ils, en ce moment?
Il y a une vingtaine de migrants érythréens, dont des femmes. Depuis fin novembre, ils sont dans une salle, ouverte pour l'hiver, comme l'an dernier. Quand le beau temps reviendra, ils repartiront d'eux-mêmes rejoindre le campement fait de bric et de broc, de cabanes et de toile, pour être près de l'aire d'autoroute.

A part ça, que fait la mairie?
On prête le local pour le vestiaire, on apporte de l'eau potable. Les communes environnantes s'occupent des douches, la communauté de commune ramasse les poubelles. Heureusement que les bénévoles sont là pour les soins, et pour le quotidien, y compris pour les informer sur leurs droits. Ce sont eux qui prennent en charge les frais du local d'hiver. L'Etat a octroyé 100.000 euros à la mairie de Calais pour prendre en charge les migrants l'hiver. Ici, rien. J'ai interpellé le préfet à ce sujet. Du coup, je pense que sa mise en demeure est une réponse du berger à la bergère.

Ça se passe comment avec les habitants?
On vit des choses fortes. De la solidarité et du soutien, très majoritairement. Des jeunes ont organisé un tournoi de foot, il y a des repas. Les boulangers et les pâtissiers des environs donnent des gâteaux. Les Erythréens sont invités à la cérémonie des voeux, demain. A l'église, ils participent aux célébrations. Ça se passe bien parce que l'association Terre d'Errance fait le lien. Quand les migrants étaient livrés à eux-mêmes, qu'ils allaient prendre de l'eau au cimetière pour se laver derrière les arbustes, il y avait plus de suspicion. Je préfère un village apaisé qu'un village assiégé par la gendarmerie.

 Recueilli par Haydée Sabéran