Comparateur de rachat de crédit

A Somain, la CFDT bosse sur l'avenir du fret, au nez et à la barbe de la SNCF


ECO-TERRE - C'est une histoire syndicale comme on n'en a pas l'habitude. La SNCF veut restructurer son fret, limiter l'usage du wagon isolé, et de fait limiter l'activité du centre de triage de Somain dans le Valenciennois ? Qu'à cela ne tienne, la CFDT a imaginé une solution alternative, piochée en Allemagne, le rail-port,  et réussi à mettre autour de la table Etat, Région, Chambres de commerce et SNCF pour travailler le projet. L'affaire n'est pas dans le sac, mais le projet entre dans une phase concrète de chiffrage. La réunion, c'était hier.

Quand a commencé le conflit avec la SNCF à Somain, et pourquoi ?
La bagarre a commencé il y a un an, avec le nouveau schéma directeur pour le développement du fret ferroviaire présenté par la SNCF. Le centre de triage de Somain est sorti de terre en 1846, pour expédier le charbon en Europe, essentiellement. Avec la fermeture des houillères, puis des entreprises sidérurgiques, le triage a souffert, avec une baisse d'activité. Dans les années 2000, il s'est spécialisé dans le wagon isolé.

Qu'est-ce que c'est, ce wagon isolé ?
Imaginez un chef d'entreprise qui dit j'ai besoin d'un wagon pour mettre trois palettes d'eau, un autre qui voudrait deux wagons pour 200 kilos de ferailles, etc. On relie ensuite ces wagons pour faire un train entier. C'est ce qu'on fait à Somain. Il y avait sept autres triages du même type en France, le train pouvait donc être envoyé vers Lyon, Metz, Rouen, Dijon, Marseille ou Paris, avec les sites du  Bourget et de Villeneuve Saint-Georges. En fait, au départ de Somain, vous aviez un hypermarché de destinations vers les sept points de l'Hexagone. Mais avec le plan fret de la direction, Somain est devenu une plate-forme, et les wagons isolés ne partent plus que vers Lyon, Metz et Paris-Le Bourget. On est devenu une petite supérette.

Est-ce votre seule inquiétude ?
Non. La SNCF a également imposé des contraintes aux entreprises clientes. Elles devaient respecter des horaires précis, et assurer un minimum de flux. Sinon, elles doivent payer des pénalités. Ce qui veut dire que la SNCF a annoncé à des usines comme Akers, qui produit des tubes en acier, qu'il fallait qu'ils trouvent d'autres moyens de transport que le train. Elle ne vise maintenant que des grands groupes, comme Arcelor-Mittal. Il faut dire que le wagon isolé est la principale source du déficit fret de la SNCF, qui s'élevait à 500 millions d'euros en 2009.

Quelle a alors été la position de la CFDT ?
Nous avons mené la bagarre sur deux plans : au plan national, en affirmant notre volonté de préserver le wagon isolé comme service public ; au plan local, en essayant de trouver une solution alternative pour le maintien des flux de trafic, et du boulot pour les cheminots.

Alors, quelle est cette idée ?
C'est le système du rail-port. Il est composé de trois lignes : une ligne voie ferrée ; une ligne avec un quai et le matériel pour décharger ; une ligne pour accueillir les camions. C'est un système de transbordement du rail vers la route, et inversement. L'avantage par rapport au transport combiné, qui ne fonctionne qu'avec des containers, c'est qu'on peut transborder n'importe quoi. Le vrac, par exemple, qui n'est pas transportable par container. L'avantage par rapport au wagon isolé, c'est qu'on n'a pas besoin d'amener les rails jusque dans l'entreprise concernée. Je vous prends un exemple : trois wagons de carrelage italien qui doit être livré pour Leroy-Merlin, pour Point P et pour les Artisans du Douaisis. Chacun vient chercher les palettes dont il a besoin. On a remplacé la traversée complète de la France en camion par le train.

Et cela n'existe pas en France ?
Non. Cela ne se faisait pas en France, mais en Allemagne. On a trouvé l'idée parce qu'on a regardé ce qui se faisait autour de nous. Le rail-port a été lancé chez nos voisins allemands en juin 2007 et cela prend une ampleur importante.

Comment s'est enclenché le processus de réflexion sur votre projet ?
On a obtenu du Conseil régional des engagements écrits. On leur a dit, si vous prenez cet engagement, on y va. On a fait le tour des élus locaux, des chambres de commerce, on est allé voir la Dreal [direction régionale de l'environnement et de l'aménagement du territoire, ndlr] ainsi que les spécialistes de la logistique, comme le patron de Delta 3, [la plate-forme multimodale de Dourges, ndlr]. On leur a expliqué, voyez les atouts que l'on a. Eurotunnel, qui est une ouverture vers l'Angleterre. La proximité de la Belgique, et du port d'Anvers. 80% des containers d'Anvers passent par la France, soit par la route, soit par le rail.

Comment la SNCF a-t-elle réagi face à votre initiative ?
Au tout départ, elle ne nous a pas pris au sérieux, les cheminots CFDT. Mais quand elle a vu les personnes présentes à la réunion d'hier, et le dossier de quarante pages que j'ai remis, elle a eu bien eu du mal à se justifier. Elle nous disait, mais votre projet, personne ne veut le faire avec nous. Nous lui répondions,  n'inversez pas les choses, tout le monde veut ce projet, c'est vous qui le refusez. Mais hier, quand elle a entendu la position de l'Etat, puis celle du conseil régional, elle ne peut plus tenir cette position. De toute façon, aujourd'hui, la réflexion va plus loin : pourquoi ne pas créer un pôle de compétitivité autour d'une nouvelle logistique de fret ferroviaire, en travaillant sur l'Euro-région. Somain est à 20 kilomètres de la Belgique.

Recueilli par S.M.